Par Dimitris Konstantakopoulos
Jun 17, 2025
Le conflit militaire absolument prévisible et prédit (https://www.defenddemocracy.press/now-irans-turn-the-spectre-of-a-new-1989) qui a éclaté il y a cinq jours au Moyen-Orient est l’un des plus graves et dangereux à avoir surgi à l’échelle mondiale depuis des décennies. Comme toutes les grandes crises, il nous permet simultanément de tirer des conclusions très utiles sur les questions les plus cruciales de la situation mondiale, telles que la nature du pouvoir actuel aux États-Unis et en Israël, et la relation entre ces deux États. Une question majeure est de savoir si les États-Unis s’engageront activement dans le conflit, et surtout si Israël et les États-Unis utiliseront des armes nucléaires contre Téhéran. Un autre enjeu colossal est l’attitude qu’adopteront les puissances nucléaires comme le Pakistan, l’Inde, la Russie et la Chine, dont les intérêts sont directement impliqués. L’issue de la crise pourrait bien dépendre de leur position.
L’attaque opportuniste lancée par l’Ukraine (c’est-à-dire l’Amérique) contre les bombardiers stratégiques nucléaires russes, violant toutes les règles écrites et non écrites de la « stabilité nucléaire », à la veille même de l’attaque d’Israël contre l’Iran, pourrait en réalité être interprétée comme un avertissement à Moscou de ne pas s’immiscer dans la guerre contre l’Iran.
La guerre entre Israël et l’Iran doit elle-même être comprise dans le cadre plus large des efforts du « collectif occidental » pour empêcher l’émergence de pôles de pouvoir alternatifs sur la planète qui remettraient en question sa domination mondiale vieille de cinq siècles – et pour détruire les États et régimes jouissant d’une indépendance significative, comme l’Iran, la Corée du Nord, la Russie et la Chine. Ces motivations ne sont pas accidentelles, mais structurelles, découlant (comme lors des Première et Seconde Guerres mondiales) de la nature même du capitalisme mondial et de son résultat inévitable : l’impérialisme. L’Iran ne possède pas d’armes nucléaires, ce qui en fait le maillon faible de l’alliance anti-hégémonique.
Ceux qui aiment les analogies historiques et les comparaisons de modèles mathématiques pourraient penser à l’année 1942, lorsque Hitler, ayant échoué à prendre Moscou, s’est tourné vers le ventre mou de la Russie, visant à s’emparer des hydrocarbures du Caucase pour lui-même et à les soustraire à l’URSS. S’il avait réussi, l’issue de la guerre aurait pu être différente. Mais ses armées ont été écrasées à Stalingrad, conduisant à la défaite de l’Allemagne.
Aujourd’hui, nous assistons à une situation analogue. Après l’échec de l’Occident à renverser le régime russe et à démembrer la Russie, Israël – avec le soutien des États-Unis et d’autres puissances occidentales – tente de détruire le régime iranien, sinon l’Iran en tant qu’État (comme ils l’ont fait en Syrie), le dernier État indépendant du Moyen-Orient et le dernier allié de la Russie, de la Chine et des Palestiniens, achevant ainsi le contrôle de tout le Moyen-Orient, le « centre stratégique » de l’Eurasie, voire du monde entier. Le transformer, avec un « nouveau 1989 », en une plateforme pour de nouvelles attaques contre la Russie, l’Asie centrale et la Chine, et un tremplin vers un totalitarisme mondial – comme nous l’avions averti et, malheureusement, prédit avec justesse en décembre dernier concernant la guerre qui vient d’éclater (https://www.defenddemocracy.press/now-irans-turn-the-spectre-of-a-new-1989/3).
Nous ne pouvons savoir avec certitude s’il existe un « état-major général » du collectif occidental élaborant ces plans, mais en fin de compte, cela n’a pas une grande importance. Ce qui compte, ce sont les faits, qui s’expliquent plus que suffisamment par les objectifs stratégiques fondamentaux de l’Occident.
Tant la tolérance mondiale envers le génocide du peuple palestinien diffusé en direct depuis 20 mois que la guerre qu’Israël vient de lancer prouvent hors de tout doute que Benjamin Netanyahu est aujourd’hui le leader ayant la plus grande influence mondiale au sein du collectif occidental – et au-delà, manifestement en raison de ses appuis au sein de l’Empire du Capital Financier Mondial et son Empire jumeau des Technologies de l’Information, ainsi que divers lobbies sionistes omnipotents. Le Premier ministre israélien, dont on a écrit qu’il pourrait « donner des leçons à Machiavel », a certes l’intelligence et la capacité de masquer autant que possible son rôle de premier plan dans les affaires mondiales et, quand c’est possible (comme avec l’invasion de l’Irak en 2003), de faire faire le sale boulot par d’autres et d’en subir les conséquences. Comme le relève notablement le professeur Jeffrey Sachs, ce n’est pas Israël qui est un protectorat des États-Unis aujourd’hui, mais plutôt les États-Unis qui sont un protectorat d’Israël (https://www.defenddemocracy.press/jeffrey-sachs-the-us-is-leading-us-closer-to-nuclear-war-the-innerview/).
Depuis la crise ukrainienne de 2014, nous vivons dans un environnement qui porte en lui un nouveau et nucléaire « 4 août 1914 » – à moins qu’il ne soit empêché par la réaction déterminée des forces, notamment en Orient, mais aussi au sein même de l’Occident et du Sud global, qui réalisent que l’enjeu n’est rien moins que la survie de l’humanité (https://www.defenddemocracy.press/stop-netanyahu-before-he-gets-us-all-killed/).
Cet article est écrit alors que des sources sérieuses (https://www.defenddemocracy.press/israel-and-us-modified-f-35s-to-enable-iran-attack-without-refuelling-sources-say/, https://www.defenddemocracy.press/exclusive-us-quietly-sent-hundreds-of-hellfire-missiles-to-israel-before-iran-attack/ ) font état d’une implication directe imminente des États-Unis dans la guerre lancée par Israël. Il existe déjà des signes clairs de leur participation à sa préparation et son exécution (https://www.defenddemocracy.press/israel-and-us-modified-f-35s-to-enable-iran-attack-without-refuelling-sources-say/, https://www.defenddemocracy.press/exclusive-us-quietly-sent-hundreds-of-hellfire-missiles-to-israel-before-iran-attack/ ). Il est totalement absurde que cette administration américaine prétende qu’Israël agit indépendamment sans consulter Washington. Cette mascarade dure depuis des décennies et est devenue une comédie misérable. Israël dépend entièrement du soutien militaire, économique et diplomatique des États-Unis. Il ne peut faire un pas sans l’aval de Washington.
Nous espérons que cela n’arrivera pas, mais cela pourrait même se produire avant que vous ne lisiez cet article. Cependant, nous devons souligner que l’Iran n’est pas un adversaire facile et ne peut être vaincu avec des armes conventionnelles. C’est pourquoi l’utilisation d’armes nucléaires est inhérente à la logique du programme de guerre néoconservateur – du moins tant qu’ils ne craignent pas qu’Israël ne subisse une réponse proportionnelle. Cela découle organiquement du programme lui-même, de la logique interne de l’impérialisme américano-israélien, comme nous l’avions averti avec Gilbert Marquis dès 2006-2007 dans des articles publiés dans la revue française Utopie Critique (fondée par Michalis Raptis Pablo) (https://www.defenddemocracy.press/guerre-a-la-guerre/) et dans de nombreux articles du journal Kosmos tou Ependyti. Depuis lors, le gouvernement américain a élaboré des plans opérationnels pour bombarder l’Iran avec des armes nucléaires tactiques, arrêtés uniquement par la réaction des militaires américains eux-mêmes. Des officiers supérieurs ont menacé de démissionner et ont divulgué les plans opérationnels au célèbre journaliste américain Seymour Hersh, qui les a exposés ( https://www.defenddemocracy.press/the-iran-plans/), contribuant alors à éviter ce scénario cauchemardesque, qui risque aujourd’hui de revenir.
Traduit du grec par Christian Haccuria