Le péril Le Pen: inventaire de ce qu’elle infligerait à la société

À la veille du premier tour, Mediapart a demandé à une douzaine de représentants de la société civile de décrire les dégâts que produirait une présidence d’extrême droite, en matière de justice ou d’éducation, pour les droits des femmes ou des étrangers. Revue des catastrophes prévisibles.

Apr 9, 2022

Le cauchemar peut devenir réalité. L’extrême droite, sans doute, n’a jamais été aussi forte à la veille d’une élection présidentielle. Alors pour bien saisir les dommages, pour certains irréversibles, qu’une présidence Le Pen causerait au corps social et à nos libertés, Mediapart a interrogé des défenseurs et défenseuses des droits des personnes étrangères, des musulman·es et des personnes LGBT, des droits des femmes, des enfants et des travailleurs et travailleuses, à des représentant·es de la justice et de l’éducation, à des militant·es engagé·es contre la précarité et les violences policières, en posant une seule question : que provoquerait, très concrètement, une victoire de l’extrême droite le 24 avril prochain ? Réponse à treize voix.

  • Nathalie Tehio, avocate et membre du bureau de la Ligue des droits de l’homme (LDH)

« Même si l’on assiste à une accélération de la répression et de la surveillance depuis les années Sarkozy, en particulier ces deux dernières années, le programme de l’extrême droite représente une vraie rupture : le cadre d’un État de droit est menacé. Leur logique, c’est de s’affranchir de toute garantie et de recours possible aux juges. C’est l’instauration d’un État policier, où la police détermine ce qu’elle peut faire. On lui donne un blanc-seing.

Ce serait le cas avec la “présomption de légitime défense des policiers”. La loi prévoit déjà de nombreux cas de légitime défense lorsque les policiers font usage de leur arme. Dire que ce n’est pas suffisant, comme Marine Le Pen, c’est vouloir en faire une présomption indiscutable. Les policiers pourront s’affranchir des conditions qui encadrent l’usage de leur arme ou de la force en général. Cédric Chouviat, par exemple, a été tué à l’occasion d’un simple contrôle routier : si l’extrême droite passe, sa famille ne pourra pas porter plainte contre les policiers. Alors qu’il est déjà très difficile de faire reconnaître des violences policières, ça deviendrait quasi impossible.

Autre mesure effrayante, qui assoirait encore le pouvoir discrétionnaire des forces de l’ordre : la possibilité qui leur serait donnée de porter plainte pour des attaques dont ils seraient victimes, tout en préservant leur anonymat dans les procédures. Cela ne laisserait aucune possibilité pour la personne mise en cause de vérifier la véracité des faits qui lui sont reprochés. En plus, les violences contre les forces de l’ordre entraînant moins de 8 jours d’ITT sont passibles depuis janvier 2022 de 5 ans d’emprisonnement. Autrement dit : vous pourrez prendre 5 ans de prison ferme pour avoir poussé un policier dont vous ignorerez même l’identité. »

  • Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade (droits des migrant·es)

Les candidats d’extrême droite proposent une vision « fantasmée et dangereuse », fondée sur l’idée qu’il serait possible d’éliminer les migrations. Selon Fanélie Carrey-Conte, leurs programmes tendent ainsi à une « limitation à l’extrême » de l’immigration : fin de l’automaticité du regroupement familial et de l’acquisition automatique de la nationalité française par mariage, réduction du nombre de naturalisations, impossibilité de régulariser les personnes en situation irrégulière… « Tout est réfléchi pour rendre l’accès au séjour le plus restrictif possible, dans une logique de “machine à expulser” générant un climat de peur permanent pour les étrangers. »

Le droit d’asile serait vidé de sa substance, avec l’externalisation des procédures (traitées dans les pays d’origine ou des pays tiers) et de profondes restrictions, et le droit du sol serait remis en question. « À rebours du principe constitutionnel d’égalité, la “préférence nationale” entraînerait des privations dramatiques d’accès au travail, aux prestations familiales ou au logement. » Bien loin de l’inconditionnalité des droits humains et la mise en avant d’une « humanité commune » défendues par La Cimade.
Au pouvoir, cette idéologie accélèrerait la libération de paroles racistes et xénophobes, générant des actes de discrimination envers les personnes étrangères. « Cela mènerait à une fracturation accrue de la société, à des tensions sociales toujours plus exacerbées et à des régressions sociales et démocratiques majeures pour des millions de personnes », conclut Fanélie Carrey-Conte. En comptant malgré tout sur les capacités de résistance de la société civile.

  • Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats (majoritaire)

« On a du mal à appréhender comment le programme de Marine Le Pen pourrait être applicable. Doubler en cinq ans nombre de magistrats, c’est très ambitieux mais irréalisable. Pour ce qui est des peines, le recours généralisé à des peines de prison ferme, présentées comme la seule sanction efficace, la réduction des aménagements de peines et les courtes peines effectuées en prison, tout cela rendrait très insuffisantes les 85 000 places de prison qui figurent à son programme. Quant à la présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre, c’est extrêmement dangereux. Elle légitime toute violence policière ou presque. Cela ne nous paraît pas de nature à amener plus de sécurité. »

  • Nils Monsarrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature

« C’est très difficile de se prononcer sur ce que deviendrait l’exercice professionnel des magistrats si Marine Le Pen était élue, car il y a un grand flou autour de son programme sur la justice – elle a assoupli son discours, même si les fondamentaux restent. Elle met en avant une augmentation du recrutement des magistrats (comme tous les candidats, ou presque), un mode de recrutement modifié, et surtout un durcissement législatif avec une diminution de la marge de manœuvre des magistrats.

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Concrètement, cela risque de poser de grosses difficultés. On risque de perdre une marge d’adaptation aux situations individuelles, de se retrouver face à des situations aberrantes du type “peines planchers”, des incarcérations très brèves, et moins d’aménagements de peines.

Cela risque d’aggraver la situation, avec beaucoup plus d’incarcérations et beaucoup moins de prévention et de réinsertion. Les conséquences de ce programme, ce serait de courtes peines d’emprisonnement, supposément “au nom du bon sens’, c’est la rhétorique habituelle de l’extrême droite. Or toutes les études démontrent que les courtes peines sont criminogènes, qu’elles désinsèrent et provoquent de la récidive. Par ailleurs, les sorties sèches en fin de peine se multiplieraient ; or, l’aménagement de peine est essentiel pour éviter que les gens réitèrent une infraction. La seule logique de ce programme reviendrait à construire toujours plus de prisons et d’enfermer éternellement les gens. Ce serait la fin de l’État de droit. »

  • Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD-Quart Monde

« Les programmes de l’extrême droite ne sont pas du tout favorables aux plus vulnérables, même s’ils ont l’air séduisants lorsqu’on en fait une lecture rapide. Marine Le Pen fera le tri entre les “bons” et les “mauvais” pauvres, puisque ne seront aidés que ceux qui possèdent une carte d’identité française. À l’heure actuelle, le non-recours aux droits [faute d’information suffisante des bénéficiaires, à cause de procédures complexes, etc. – ndlr] est important et je crains que ce soit plus le cas encore avec le Rassemblement national : beaucoup de personnes auront peur de demander ce à quoi elles ont droit. 

L’extrême droite veut réduire les droits fondamentaux des étrangers qui permettent aux plus vulnérables d’avoir une vie à égale dignité des autres, veut leur interdire l’accès aux prestations sociales, aux soins, à l’emploi, à un logement digne et durable, à l’éducation pour les enfants. On imagine très bien ce que cela peut signifier pour les gens du voyage par exemple. Alors que c’est déjà bien compliqué pour eux, leur vie pourrait devenir encore plus difficile. À ATD Quart Monde, nous n’avons pas rencontré les représentant·es de l’extrême droite pendant la campagne, nous ne dialoguons pas avec eux. »

  • Matthieu Gatipon-Bachette, porte-parole de l’Inter-LGBT

« Le risque est bien réel, on le constate tous les jours en tant que militant·es, à l’échelle locale. Quand il y a des élus RN dans les conseils municipaux ou régionaux, ils s’opposent systématiquement aux demandes de financements sur des thématiques LGBTQI+. Si demain, on a des gens de cet acabit-là à la tête du pays, ce sera très compliqué de continuer de fonctionner correctement. On a peur que l’extrême droite fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le peu de prévention qui continue d’exister.

Quand on voit leur intérêt pour des pays comme la Hongrie de Viktor Orbán, on peut craindre une loi “anti-propagande LGBT” par exemple. En ce qui concerne la PMA, Éric Zemmour a annoncé qu’il reviendrait dessus. Vu les difficultés qu’on a eues à faire émerger cette loi [qui a ouvert l’accès aux femmes seules et couples lesbiens –ndlr], ce serait catastrophique, cela redirigerait tout un tas de couples vers l’étranger, devant payer des sommes indécentes. Pour le mariage pour tous, je ne crois pas trop que l’extrême droite reviendrait dessus – cela m’étonnerait, du moins. Marine Le Pen a dit qu’elle voulait faire un moratoire de 3 ans sur les questions sociétales. Mais à partir du moment où vous avez des gens qui considèrent que les discours progressistes que portent les assos LGBT sont nuisibles, tout est possible. Ils sont prêts à tout. »

  • Sihem Zine, présidente d’Action droits des musulmans

« Je suis effrayée », s’alarme la militante d’une des dernières associations de défense des droits des musulmans non dissoute par le gouvernement. Ce n’est pas tant le programme de Marine Le Pen qui l’inquiète que son idéologie : « En cas d’élection, elle aurait déjà dans notre droit tous les outils à sa disposition : il y a déjà la déchéance de nationalité, déjà le retrait des titres de séjour, déjà le gel des avoirs, déjà la fermeture de lieux de culte, déjà les Micas [les mesures administratives permises par la loi SILT de 2017 comme l’obligation de ne pas quitter une zone géographique donnée – ndlr], la société civile musulmane a déjà été quasiment éradiquée… Elle n’aura qu’à appuyer sur l’accélérateur par rapport à ce qu’a fait Gérald Darmanin. Cela fait des années que nous nous battons contre une batterie de dispositions sur lesquelles nous alertions : “Imaginez qu’elles tombent entre de mauvaises mains.” »

Concernant le projet de référendum sur l’immigration et l’identité promis par Marine Le Pen, Sihem Zine estime que, « dans les faits, ça ne changera pas grand-chose. Mais elle va inscrire la discrimination dans la Constitution ». Et puis, concernant le projet d’interdiction du port du voile (« uniforme islamiste » selon Le Pen) dans l’espace public, elle s’inquiète : « Elle va faire quoi, leur mettre une amende ? Les mettre en prison ? Leur arracher leur voile ? Il va forcément y avoir des accrochages et des situations qui vont dégénérer. »

« Quand on voit déjà le projet de loi visant à combattre les idéologies islamistes qu’elle avait déposé en 2021, j’ai peur, poursuit Sihem Zine. Marine Le Pen mélange immigration et islamisme. Elle va instaurer un ordre moral, et si une association ne le respecte pas, ce sera la dissolution, la privation des droits civils. Tous les réseaux sociaux, les sites Internet vont être surveillés. Les policiers risquent également d’avoir carte blanche. Des jeunes risquent de se faire tabasser dans la rue. Les groupuscules d’extrême droite, eux, vont avoir un sentiment d’immunité et s’en donner à cœur joie. »

  • Grégory Chambat, enseignant à Mantes-la-Ville et syndicaliste Sud Éducation, auteur de « L’école des réac-publicains : la pédagogie noire du FN et des néoconservateurs »
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« L’éducation est une obsession historique de l’extrême droite depuis 150 ans et la mise en place de l’école publique. Elle en a toujours fait un terrain d’intervention, pour faire avancer ses idées contre l’égalité et l’émancipation. Ils veulent mettre au pas l’éducation, en faire l’un des outils de leur idéologie. Cela se voit dans l’enseignement de l’histoire par exemple : ce qui compte, ce n’est pas la transmission d’une histoire vérifiée, scientifique, seulement de construire un roman national. La victoire de l’extrême droite, ce serait la fin de la liberté pédagogique, puisqu’elle veut remplacer la pédagogie par du dressage.

Elle a la nostalgie d’une école avec un enseignement autoritaire, vertical, uniforme [Marine Le Pen veut par exemple « renforcer l’exigence de neutralité absolue » des enseignant·es, « accroître le pouvoir de contrôle des inspections en la matière » et sanctionner les professeurs qui ne signalent pas « les cas problématiques » – ndlr]. Cette nostalgie, c’est en réalité celle d’un système éducatif de ségrégation sociale. À chaque fois que Zemmour parle de l’école, c’est pour dénoncer une idéologie antiraciste ou LGBT.

Sur les questions du budget, il y a quelque chose de très significatif dans le programme de Marine Le Pen [qui prétend « accroître significativement » les heures de cours en primaire mais prévoit aussi de « renforcer l’orientation précoce des élèves » et de « transformer le brevet en examen d’orientation post-3» – ndlr] : elle entend réduire les effectifs dans l’Éducation nationale, mais ceux des personnels non enseignants, c’est-à-dire administratifs, de cantine, secrétaires… En clair : enlever tout ce qui ne se voit pas, mais qui est essentiel au bon fonctionnement d’un établissement. »

  • Marylie Breuil, militante féministe au collectif Double peine

Cette ancienne porte-parole de #NousToutes s’alarme, en cas de victoire de l’extrême droite, d’un « recul très net en termes d’avancées des droits des femmes et de lutte contre les violences sexuelles », jugeant les programmes des deux candidats en lice « très dangereux », « tant pour la préservation des droits des femmes que pour l’acquisition des droits manquants. Ils ne proposent aucune mesure concrète pour lutter contre les violences sexuelles, et cette lutte est instrumentalisée en disant que les violences seraient perpétrées par des personnes étrangères, alors que tous les chiffres montrent que les auteurs de violences sont issus de tous les milieux sociaux. Éric Zemmour est par ailleurs accusé d’agressions sexuelles par huit femmes ; il n’est pas le seul, mais avoir un président mis en cause pour de tels faits serait un crachat aux visages des victimes ». « Plus largement, les deux candidats sont opposés à la PMA, au mariage pour tous et toutes, et favorables à l’interdiction du voile dans l’espace public, ce qui est une entrave au droit des femmes de disposer de leur corps, à leur liberté de s’habiller comme elles le souhaitent. »

De fait, dans les programmes de Le Pen comme de Zemmour, les droits des femmes ne sont abordés qu’à travers le prisme de la famille (mesures en faveur de la natalité, opposition donc à la PMA et la GPA) et de la sécurité (lutte contre le « harcèlement de rue » et les violences conjugales). Rien sur les inégalités femmes-hommes (qui ne sont évoquées qu’en lien avec l’islamisme ou la charia), ni sur les discriminations salariales.

Marine Le Pen s’est, au fil des années, opposée aux avancées récentes en matière de droits des femmes : lois instaurant la parité (elle a depuis changé d’avis), féminisation des titres, allongement des délais d’IVG, etc. En 2012, elle avait dénoncé les « avortements de confort » et plaidé pour le déremboursement de l’IVG en cas de « choix budgétaire à faire ». Quant à Éric Zemmour, l’essentiel de son programme concernant les femmes repose sur une défense de la « complémentarité des sexes », de « la famille » et la dénonciation de « la propagande idéologique de certains lobbies » qui menaceraient ses « fondements ».

  • Marion Tambourindeguy et Marie Petruzzi, médecins du Comité pour la santé des exilé.es

« On ne pensait pas que son programme était aussi brutal, ça fait froid dans le dos », réagissent les deux généralistes. Outre une restriction drastique de l’accès à l’asile, Marine Le Pen veut retirer aux étrangers ayant le statut de demandeurs la protection maladie universelle qui leur est ouverte aujourd’hui. La suppression de l’aide médicale d’État (AME), par ailleurs, privera les sans-papiers d’accès aux soins. Or, le milliard d’euros engagés pour l’AME est utile : « Plus on retarde les soins des malades, plus ils y ont recours en urgence, et plus cela coûte cher. Nos patients sont atteints de maladies cardiovasculaires, mais aussi de troubles psychiques, car beaucoup ont été victimes de violences, surtout les femmes. »

L’élection de Le Pen serait donc « une catastrophe », « le détricotage des droits irait encore plus vite », mais « l’accueil des personnes exilé·es est mis à mal depuis des années », tiennent à rappeler les deux médecins. Aux réformes de Le Pen, elles opposeraient « la déontologie médicale qui demande de soigner toute personne sans discrimination ». Et même si la présidente du RN menace de « sanctions pénales » les gens aidant des sans-papiers (« pour quelque motif que ce soit »), « on résisterait », disent-elles.

  • Pascal Debay, CGT, responsable du collectif confédéral chargé des luttes contre les idées d’extrême droite
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Parce qu’elle nourrit « une haine du syndicalisme », l’extrême droite voudrait « cantonner les syndicats à l’entreprise, pour qu’ils ne s’impliquent surtout pas dans la vie de la cité » ; elle entend même « le moraliser, ce qui fait craindre le pire ». Selon Pascal Debay, qui forme des syndicalistes sur le sujet et publie des fiches pratiques, la tâche de décryptage n’est pas simple : les questions économiques et sociales sont « le cœur de l’ambition de normalisation du RN ». Marine Le Pen est « en train de capter la colère sociale » mais ne propose que « des recettes libérales ». Et son projet, centré sur la priorité nationale, « ne fera que diviser » les salarié·es.

« L’extrême droite pointe l’immigré pour mieux servir les exploiteurs », poursuit celui qui ne voit « rien de social » dans le projet du RN. « Le Pen ne dit rien sur les salaires, à part baisser les cotisations. Rien sur la réduction du temps de travail. Elle refuse d’augmenter le Smic. Et sur les retraites, ce n’est pas progressiste : pour partir à 60 ans, il faudrait travailler 40 ans. Cela s’adresse à une extrême minorité. »

  • Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est le sort des MNA [mineurs étrangers non accompagnés, dont la prise en charge est confiée aux services de l’aide sociale à l’enfance de chaque département – ndlr]. Marine Le Pen les voit comme un poids, comme s’ils étaient responsables de l’explosion du système de protection de l’enfance. Ce discours est abject et faux scientifiquement. Au nom de la “priorité nationale”, elle mènerait une politique clairement raciste en remettant en cause, à leur égard, le principe de “présomption de minorité”, prévu par la convention internationale des droits de l’enfant : un enfant doit être présumé mineur le temps que des investigations soient menées [pour vérifier son âge – ndlr]. Ces investigations sont déjà très maltraitantes en France (avec des tests osseux, etc.), mais Marine Le Pen ne ferait qu’aggraver la situation.

Cette inquiétude est aussi liée à sa promesse de “recentraliser” la protection de l’enfance [afin que l’État reprenne la main sur les départements – ndlr]. Cette “recentralisation” de l’ASE, c’est l’une de nos revendications de longue date – un préalable à toute réforme systémique. Mais chez Marine Le Pen, ce serait un moyen de s’assurer que l’accès à une protection est partout restreint pour les MNA : au lieu de les protéger, elle les laisserait en état de déshérence totale, livrés à tous les dangers. À tout prendre, si le RN arrivait au pouvoir, je préfèrerais encore que les départements conservent la responsabilité de l’ASE. »

  • Danyel Dubreuil, coordinateur d’une plateforme de lutte contre la précarité énergétique baptisée « Rénovons ! » (Réseau Action Climat, Fondation Abbé Pierre, Enercoop…)

« Sur la précarité énergétique, problématique qui touche 12 millions de Françaises et de Français, Le Pen comme Zemmour restent dans l’incantatoire. Parce que vu le nombre d’emplois à créer pour la rénovation énergétique, cela les amènerait sur un terrain où ils n’ont pas envie d’aller, quand on sait d’où est originaire la main-d’œuvre du BTP, et sachant que, dans l’histoire, ce sont les immigrés qui ont reconstruit la France de l’après-guerre. Rénover les passoires énergétiques, tout en faisant en sorte que les plus pauvres ne soient pas confrontés à des coûts insurmontables, cela nécessite beaucoup d’aides et d’investissements publics qui ne sont pas dans le logiciel de l’extrême droite.

Par ailleurs, notre travail de détection et d’accompagnement des ménages en précarité énergétique est porté par un maillage associatif ; or, via les expériences municipales, on sait quelles relations entretient le RN avec les associations, en leur imposant, notamment, de ne travailler qu’avec certains publics. De même, on sait que l’extrême droite veut insérer dans tout système d’aide des éléments de discrimination, de préférence nationale. Sachant que les précaires énergétiques se situent notamment dans les îlots de pauvreté des zones urbaines denses, où sont historiquement concentrées les personnes issues de l’immigration et/ou de la colonisation, une victoire de l’extrême droite serait un désastre social sur le front de la rénovation, du climat et de la lutte contre la pauvreté. Idem pour toutes les personnes qui sont parvenues à accéder à la propriété après la deuxième voire troisième génération, et dont les petits pavillons à cinquante kilomètres du centre des métropoles (ou dans les territoires périurbains) sont des passoires énergétiques. »

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