Gravement blessés, des manifestants appellent à un « acte XII » pour l’interdiction des grenades et flashballs

par Sophie Chapelle

Ils ont perdu une main ou un pied à cause d’une grenade. D’autres ont perdu un œil, suite à un tir de LBD40. Ils garderont un handicap, des cicatrices ou des gênes à vie pour avoir simplement manifesté, en France. Ils se disent « mutilés pour l’exemple » et témoignent dans une vidéo commune. Antoine, Robin, Axelle, Antonio, Thomas… appellent à un Acte XII le 2 février pour demander l’interdiction des grenades et flashballs : « On doit réapprendre à vivre avec nos handicaps, avec tout ce que nos traumatismes impliquent. Ce qui pourra nous apaiser, c’est qu’enfin ces armes soient définitivement interdites et ne puissent plus faire grossir nos rangs. » Le Défenseur des droits demande également la suspension de l’usage de ces armes.

« Je m’appelle Antoine. J’ai 26 ans. Le 8 décembre dernier j’ai perdu ma main en ramassant une GLI-F4. Sur twitter j’ai eu pas mal de commentaires qui me traitaient d’abruti d’avoir ramassé cette grenade. Je sais pas si j’ai été idiot, je pense surtout avoir été naïf. Naïf de penser que la police n’était pas capable d’envoyer de la TNT sur un manifestant. Mais le débat n’est pas de savoir si j’ai été stupide ou non. Le débat est de savoir pourquoi la police utilise des armes aussi dangereuses contre nous. » C’est ainsi que débute la vidéo réalisée par « Les mutilés pour l’exemple ». S’ensuivent d’autres témoignages, photos à l’appui, comme celui d’Axelle, victime d’un tir de flashball au visage pendant la manifestation des gilets jaunes le 8 décembre : « J’ai une fracture à la mâchoire, une brûlure au deuxième degré et un trismus qui m’empêche de m’alimenter et de parler correctement. »

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Attention, des images de blessures contenues dans cette vidéo peuvent heurter

Antonio a été blessé le 24 novembre : il a reçu à ses pieds une grenade GLI-F4 qui a traversé sa chaussure et s’est incrustée dans son pied droit. Début janvier, il était toujours en arrêt de travail. « Le plus dur c’est pas physiquement, c’est psychologiquement de se faire tirer dessus en allant manifester » témoigne Thomas, victime d’un tir de flashball au visage le 8 décembre. La vidéo qui contient des images des blessures a été supprimée par Facebook, mais demeure visible sur Youtube en cliquant sur « Je comprends et je souhaite poursuivre ».

« Nos souffrances sont difficile à imaginer pour les autres, et nous n’en pouvons plus de voir grossir nos rangs »

Les « mutilés pour l’exemple » ne sont pas encore un collectif formel, mais ils pourraient bien le devenir. Il s’agit au départ d’une rencontre entre Robin Pagès, mutilé au pied par une grenade GLI-F4 à Bure le 15 août 2017 et des blessés du mouvement des gilets jaunes. « Nous partageons des souffrances difficile à imaginer pour les autres, et nous n’en pouvons plus de voir grossir nos rangs », explique t-il à Basta !. « J’avais une activité professionnelle physique, je jouais au foot avec mon fils. Ma vie a été bousillée par cette grenade », souligne t-il.

Ils ont décidé d’appeler, pour le 2 février prochain, à un « acte XII » pour l’interdiction des grenades GLI-F4 et GMD (grenade à main de désencerclement) ainsi que des LBD40 (ex-flashball). Ils donnent rendez-vous à 14h devant tous les commissariats et gendarmeries de France. « Venez avec des bandages, des béquilles, un pansement sur l’œil ou tout ce qui pourrait symboliser la mutilation du peuple par l’État » précise la page de l’événement. « Ce qu’il s’est passé est absolument inacceptable, le monde entier doit savoir que l’État français a arraché une main ou un œil à 21 manifestants en deux mois [1] ! Nous bien sûr on doit réapprendre à vivre avec nos handicaps, avec tout ce que nos traumatismes impliquent. Mais il ne faut pas se cacher que ce sera très difficile. Ce qui pourra nous apaiser c’est qu’enfin ces armes soient définitivement interdites. »

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