« La crise politique tend à devenir une crise de régime » – Entretien avec la presse européenne

Jul 21, 2024

Entretien avec les correspondants de Lena (Leading European Newspaper Alliance). À retrouver en espagnol, en italien et en polonais.

Après le vote des législatives, le gouvernement Attal est toujours en place, Yaël Braun-Pivet est réélue présidente de l’Assemblée nationale. Tout change pour que rien ne change : est-ce que c’est selon vous le plan d’Emmanuel Macron ?

Le président de la République a fait une dissolution pour demander une clarification politique. Ce sont ses mots ! Pas les nôtres. Pendant des dizaines de sondages et autant de jours de commentaires de médias, le Rassemblement National est en tête et nous sommes les derniers. Quand le résultat apparaît, c’est l’exact contraire. À ce moment, si le président de la République avait accepté le résultat du vote, comme ça se fait dans les autres démocraties, il aurait appelé une personnalité du Nouveau Front Populaire à être premier ministre. Mais non, il dit « personne n’a gagné » ! Pourtant, nous avons une majorité relative, comme lui en 2022.

Le président de la République veut effacer le sens politique du vote. Si bien que dans la pente naturelle des événements, la crise politique tend à devenir une crise de régime. Les élections sont convoquées pour purger des crises, pas pour en créer de nouvelles. Pourtant, depuis 2017 et l’explosion de l’ancien système d’alternance droite versus PS, c’est ce qu’il se passe. Cette crise politique franchit un seuil à présent. Monsieur Macron a épuisé sa capacité de représentation politique en pratiquant les politiques néolibérales plus férocement, alors qu’elles avaient déjà échoué. À présent, il nie le résultat du vote. Plus il le fera, plus il ira vers la crise de régime. Elle commence avec le blocage actuel.

Pourquoi la gauche n’est toujours pas en mesure de désigner son candidat au poste de premier ministre ? 

La discussion continue. Nous sommes douze jours après le résultat du deuxième tour. Il ne faut pas oublier d’où on est parti. Nous avons réussi en 24 heures à nous mettre d’accord. Et en 48 heures à nous répartir les circonscriptions pour des candidatures communes. Et il nous a fallu cinq jours pour le programme. Douze jours, c’est peu comparé aux Allemands qui ont mis huit mois, aux Espagnols qui ont mis cinq mois pour former un gouvernement, il n’y a rien d’extraordinaire.

Justement parce que votre accord rapide a créé de l’espoir auprès des électeurs de gauche, vous voir maintenant bloqués dans vos négociations est, pour certains, d’autant plus décevant.

Voyons le déroulement. D’abord, nous avons su nous accorder, puis nous sommes arrivés en tête. À ce moment-là, dès le lundi, le PS a répété sur tous les tons, « pas Jean-Luc Mélenchon premier ministre ». Personne n’a posé la question : pourquoi ? J’ai entendu dire : « parce qu’il est clivant ». C’est le propre d’un leadership en démocratie ! Les autres ne le sont pas ?

Clivant pour un certain électorat social-démocrate…

Mais c’est quand même nous qui sommes en tête. Depuis le début, le Parti socialiste bloque tout ce qui n’est pas lui. La France insoumise a renoncé à ma candidature, puis nous avons déposé une liste de trois noms. Nouveau véto du PS. Puis nous avons soutenu la candidature d’Huguette Bello. Véto du PS. Que faire de plus ? On nous demande une candidature qui élargisse la base à l’Assemblée nationale. Nous y avons eu un candidat unique pour sa présidence car nous avons retiré les nôtres. Il a été rejeté. Où sont les partenaires d’élargissement ? Par contre, nous avons gagné sur nos bases la majorité au bureau de l’Assemblée !

Marine Tondelier pointe une guerre de leadership entre LFI et PS pour expliquer le blocage des négociations. 

Cette méthode accusatoire où elle n’a aucune responsabilité est nuisible dans une discussion. Je suis encore plus déçu qu’elle. Pourquoi tous ces vétos ? Parlons net : nous ne serons jamais le problème. Mais notre but ne changera pas : nous ne marcherons pas sur la mise en œuvre du programme. Tout le programme. De quoi est malade la politique en France ? De politiciens qui disent une chose et en font une autre après. Ce mensonge permanent doit cesser.

Dans un pays où les élections tendent à se gagner au centre droit, ne craignez-vous pas de compromettre vos chances d’accéder un jour au pouvoir ? 

Vous avez évoqué le front républicain. Nous n’utilisons pas ce mot. Les macronistes essayent de faire croire à une alliance politique ! C’est juste un cordon sanitaire. À chaque élection, nous avons fait barrage au RN. La consigne c’est que personne ne laisse les voyous fascistes arriver au pouvoir.

Comment réagissez-vous au fait que Macron et une partie de la classe politique aient dressé un cordon sanitaire autour de vous ? 

C’est le résultat de plusieurs mois ininterrompus de harcèlement. Nous n’en avons jamais connu un tel dans la vie politique française. Je suis qualifié d’antisémite suivant une règle qui est maintenant devenue mondiale. Partout où il y a un leader de gauche radicale, il est aussitôt qualifié antisémite.

On vous a accusé d’entretenir une ambiguïté pour capter le vote des Français musulmans en refusant de qualifier le Hamas de terroriste après les attaques du 7 octobre. 

C’est une honte, c’est du racisme inversé. Les musulmans seraient antisémités par nature ? Pourquoi serais-je devenu, à plus de 70 ans, antisémite, et compte tenu de ma vie politique ? Ces accusations sont ignobles. Elles blessent, elles nient ma vie. Le président du Sénat m’a dit de « fermer ma gueule ». Et quand Monsieur Hollande est ressorti de la naphtaline, ses premiers mots ont été pour dire sur moi : « Qu’il se taise ». Les premiers mots de cet homme, qui a amené à la ruine et au dégoût de la gauche, ont été pour me faire taire. C’est d’une violence totale. Personne n’a jamais été traité en France comme moi, même Le Pen.

Quant au Hamas, nous nous en sommes tenus au droit international. Et j’ai dit cent fois que, pour moi, attaquer une rave party, c’est un acte terroriste. J’ai toujours été absolument contre ce type d’actions. Nous avons signé le chapitre contre l’antisémitisme et l’islamophobie avec le Nouveau Front Populaire. Mon tweet, au lendemain du 7 octobre, est clair sur le sujet. Mais il est aussi clair que je n’accepte pas de qualifier de terroriste une organisation qui est engagée dans une guerre de cette nature avec un État colon. Ma lutte contre le génocide, c’est ça qu’on me reproche. Je suis accusé d’antisionisme ? Mais déjà tout le monde est loin d’être d’accord pour dire que l’antisionisme est égal à l’antisémitisme.

Vous admettez que vos expressions augmentent les divisions à gauche ?

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Nous sommes ceux qui disent « on a signé un programme, donc on l’appliquera ». On nous dit « il faut apaiser les relations ». Nous sommes tout à fait d’accord : apaisez-vous, arrêtez de nous insulter, arrêtez de nous jeter des pierres. Qu’on arrête de croire qu’on vit dans un monde de bienveillance et de bienséance. Non ! Il y a en France une lutte terrible qui a abouti à ce résultat que nous sommes le pays dont la pauvreté a le plus progressé, dont les millionnaires se sont le plus enrichis de toute l’Europe, créant des inégalités qui n’avaient jamais été observées jusque-là en France, et à un niveau de destruction des services publics jamais vu. Vous croyez que les riches, qui sont à la fête depuis 10 ans, acceptent l’idée que tout d’un coup c’est fini ? Voilà le fond de l’affaire. On nous dit que vouloir appliquer notre programme, c’est être intransigeant. L’abandonner, ça s’appelle comment ?

Avec seulement 193 députés, comment appliquer « tout le programme, que le programme », comme vous dites ?

Il faut jouer le jeu de la démocratie. Dans tous les pays on fait comme ça. Si les autres ne veulent pas qu’on applique notre programme, qu’ils nous censurent, s’ils osent. Nous ne voulons pas de combines politiques. Nous ne sommes pas intransigeants, mais simplement respectueux de la démocratie. C’est nouveau en France.

Si vous réussissez à vous mettre d’accord sur un nom de premier ministre, que se passera-t-il si Macron refuse de le nommer ?

Nous aurons une crise de régime. On ne sait pas combien de temps va durer cette comédie, mais c’est une comédie de la part de Macron. Avec l’élection, Macron a créé une crise délibérément. Le chef de l’État a dit « j’ai dégoupillé une grenade dans leurs jambes ». Il a provoqué délibérément une crise. On vote. La crise, depuis, s’est aggravée, mais ce n’est pas le premier responsable qui en tire la leçon. C’est nous qui devrions céder ? Mais non ! Il doit accepter le résultat du vote ! Sinon il n’y aura qu’une sortie démocratique de cette crise : qu’il s’en aille lui, pour que l’on puisse voter de nouveau, car aucune dissolution n’est possible avant un an selon la Constitution.

Pour vous, l’issue donc ce serait la démission du Président ?

Si le président de la République s’obstine à nier le résultat des élections, il va créer une telle crise qu’il n’y aura plus d’autre sortie que son départ. Voilà ce que je dis. Les députés Insoumis n’ont pas le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Donc, que voulez-vous qu’on fasse ? Tout ça est écrit d’avance. Si tout le monde bloque tout, la cocotte-minute explosera. Voilà. Il n’y a pas besoin d’être un grand stratège pour comprendre ça. Mieux vaut laisser le Front populaire gouverner !

Ça veut dire quoi « explosera » ?

Ça veut dire que la crise de régime va aller au bout, hors de contrôle. Les gens qui ont sauvé la gauche et la République, et la part qu’on a réussi à faire voter des quartiers populaires et de la jeunesse qui s’abstenait massivement vont dire « voter ne sert à rien ». C’est nous qui avons été chercher ces gens. Nous avons donc un devoir impératif de respecter notre parole à leur égard.

Une critique qui vous est faite c’est de trop vous concentrer sur les quartiers populaires et délaisser complètement zone rurale ou la France périphérique. Comment LFI pourrait parler à cette France qui vote Marine Le Pen ?

Cette histoire de France rurale sans intérêts communs avec la vie urbaine ne correspond pas à la réalité, ni électorale ni sociologique. On l’a démontré mille fois. C’est un leurre de croire que ceux qui votaient à gauche votent maintenant pour le RN. Mais les idées de ces gens ne comptent pas ? Pourquoi nier leur racisme et leur sexisme ?

De tout temps, il y a eu au minimum 30 % de la classe ouvrière qui votait à droite. La classe ouvrière est composée d’êtres humains capables de changer d’avis. Dans les secteurs du pays où la droite était très influente avant, elle a poussé une partie de la classe ouvrière vers le vote RN. Ce n’est rien d’autre qu’une dynamique de conviction. La gauche était absente, ou responsable des politiques qui frappaient le peuple.

Car il y a deux moments fondamentaux : celui où les usines ont été fermées avec des gouvernements de gauche. Et il n’y avait aucune alternative politique. Soit vous votiez à gauche et vous acceptiez qu’on ferme votre usine, qu’on ferme la voie de chemin de fer, qu’on ferme la maternité, soit il y avait les gens qui venaient vous dire « c’est la faute des Arabes ». C’est ce qui s’est passé.

Nous, nous avons pris le problème par un autre bout. Nous avons dit « Il faut amener le peuple abstentionniste aux élections ». Nos adversaires ont fait une autre équation : quartier populaire égal musulmans, musulmans égal terroristes ou antisémites, etc. Sur une base pareille, on ne regagnera jamais personne. Nous, nous sommes partis de la réalité sociale, des gens qui vivent dans les quartiers populaires et de leur dignité personnelle, du respect qui leur est dû. Ils ont le droit de pratiquer la religion qu’ils veulent. En tenant compte du fait que 60 % des Français n’en ont aucune.

Vous pensez que sur des questions comme le pouvoir d’achat, l’emploi, les services publics, on ne peut pas récupérer les électeurs RN ?

Nous passons notre temps à le faire ! Le SMIC à 1600 euros, rétablir les maternités, rouvrir les écoles. Mais ça ne suffit pas ! Ça ne marche pas, car leur priorité est raciste. Vous n’acceptez pas l’idée qu’il puisse y avoir des masses de gens racistes. Leur problème numéro 1, pour eux, c’est les Arabes et les Noirs. Voilà ! La question numéro un qu’ils mettent en avant, ce n’est pas l’hôpital fermé, mais l’immigration, la sécurité et tout ce qui leur est déversé médiatiquement tous les jours, des heures durant sur tous les sujets, sur tous les crimes ! Il faut aller chercher ceux qui sont ouverts au dialogue, mais abstentionnistes. Nous avons commencé à ouvrir une alternative radicale au néolibéralisme en 2008. Quand je quitte le Parti socialiste, je crée le Front de Gauche avec Marie-George Buffet du PC et d’autres. Puis le mouvement insoumis. Et c’est un succès croissant : première fois 12 %, deuxième fois 19, troisième fois 22. Cette stratégie fonctionne.

Mais pour gagner il faudrait convaincre une majorité plus large de Français.

Pour changer la donne, il faut continuer ce qui fonctionne. Surtout ne pas revenir aux vieilles méthodes qui ont tout détruit : mentir, trahir, s’arranger entre soi, se partager des postes et nier toute réalité populaire. Donc cette stratégie nous a fait progresser et elle nous fera encore avancer. N’importe quelle autre nous ramènerait à la case départ, c’est-à-dire la gauche menteuse et l’hégémonie des fascistes. Il n’y a pas d’alternative. En France, la classe médiatique nous diabolise. C’est normal. Les dominants français ont des caractéristiques particulières. Avant la guerre, leur slogan était : « Plutôt Hitler que le Front Populaire ». Ceux qui résistaient furent une minorité. Mais elle s’appuyait sur un désir de liberté et de dignité dans toutes les classes. Le programme de la résistance est radical. Il n’a pas été modéré pour gagner. Il a été radical pour gagner.

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Le RN semble davantage réussir sa normalisation. Vous êtes davantage dans une stratégie de rupture.

Nous ne parlons pas aux mêmes. La normalisation serait notre fin. Madame Le Pen veut devenir la leader naturelle de la droite et fait ce qu’il faut pour ça, avec succès. La droite, dans toute l’Europe, s’est extrême-droitisée et n’a plus de problème avec la fréquentation des racistes. C’est déjà arrivé au début du précédent siècle, non ? C’est parce qu’on n’a pas mis une cravate à l’Assemblée que Hitler, que Mussolini, de Franco ont pris le pouvoir ? Nous n’étions pas assez normalisés, ou trop ? Ce sont des conditions globales qui créent un résultat politique, et ces conditions sont réunies par les néolibéraux, et les invertébrés qui refusent de trancher, de choisir, de prendre une décision contre les puissants ! Marine Le Pen cherche à gagner la droite et la droite ne peut gagner la majorité dans le peuple qu’avec un outil de division du peuple : le racisme.

Vous vous voyez déjà à la présidentielle ?

Nous finirons par arriver au deuxième tour de l’élection. À partir de là, on dira au pays : « Vous choisissez, mais ne croyez pas que ce n’est pas un choix. » Et puis après, cela s’appelle une démocratie, on s’incline. Si le pays vote fasciste, nous aurons en France un gouvernement fasciste. Quelle est l’alternative ? Nous prenons des fusils ? Ou bien nous devenons fréquentables en nous taisant et en acceptant d’oublier notre programme parce qu’il empêche d’être « apaisé ». Toute tentative de sortir de son rôle est une négation de la démocratie, et toute négation de la démocratie mène au fascisme. Si nous faisions la bêtise de céder aujourd’hui, d’accepter un gouvernement de « front républicain », d’un seul coup, nous donnerions peut-être 10 points à Madame Le Pen.

Comment intégrer votre programme dans les règles budgétaires européennes avec votre programme ?

L’Europe dit que nous avons des déficits excessifs ? Soit ! Mais si vous nous recommandez de couper dans les services publics, cela ne nous convient pas. Le Nouveau Front Populaire doit s’appuyer sur la décision de l’Union européenne pour augmenter les recettes. On n’a pas dit qu’on allait sortir de l’Union européenne ni de l’euro. Mais la Nupes avait mis au point une règle de désobéissance en cas de mise en cause du programme voulu par le vote populaire.

Cette désobéissance irait jusqu’au non-respect des traités de commerce ?

S’il le fallait, il existe l’opt-out, tel que les Anglais l’ont pratiqué sur la durée du temps de travail, le salaire minimum… Le refus absolu d’envisager les revendications populaires, la priorité totale à la concurrence libre et non faussée : voilà ce qui pourrait disloquer l’Europe. Mais regardez l’Espagne : elle arrive à reprendre son souffle en augmentant le salaire minimum de 30 %. Où sont la ruine et l’hiver nucléaire qui devaient frapper l’Espagne ? Au contraire, ils ont créé un peu plus de 800 000 emplois. Alors je veux bien qu’on nous traite de radicaux, alors qu’il n’y a pas une seule nationalisation dans le programme. Mais regardons plutôt le cercle économique vertueux qu’il crée.

On dit que votre anti-américanisme fait de vous un pro-russe. 

Si les Américains avaient choisi à temps de ne pas désigner les Russes comme adversaires, la vie en Europe serait différente aujourd’hui. Mais l’invasion russe a tout changé ensuite. Les Français ont été envahis quatre fois par leur voisin. Notre opposition à la méthode de l’invasion est absolue. Nous avons condamné l’invasion russe deux heures après, dans la nuit. Notez-le : nous sommes les seuls à accueillir en France des dissidents de gauche russes qui s’opposent à la guerre. Pas une fois les socialistes, les Verts et tous les bavards anti-Poutine n’ont proposé de prendre en charge leur loyer ou l’essence… Je n’ai pas de solution miracle pour sortir de la guerre : j’ai juste des trajectoires concrètes à proposer. Par exemple, la démilitarisation des zones où sont les centrales nucléaires. Si on commence en disant aux Russes : « vous avez perdu », on se sera fait plaisir mais on n’aura pas avancé d’un mètre. Emmanuel Macron avait dit qu’il faudrait des garanties de sécurité mutuelle pour la paix, j’ai utilisé l’expression et cela a suscité bien des cris. Mais des gens travaillent déjà à ça. Cela resterait la position des Français si j’étais au pouvoir. Mais, contrairement à Emmanuel Macron, je suis absolument contre envoyer des troupes au sol, tout comme je suis contre les armes de longue portée. Tout ce qui nous transforme en belligérant serait une folie.

Si vous étiez à Matignon, vous modifieriez l’aide militaire française à l’Ukraine ?

Non, mais je ne suis pas d’accord pour qu’on donne des avions, des missiles capables d’agir dans les profondeurs de 300 à 500 kilomètres. Mais on peut faire beaucoup pour aider : les démineurs, la défense aérienne… D’ailleurs, les Ukrainiens ne se plaignent pas des Français.

Voulez-vous toujours sortir de l’OTAN, même avec une guerre en cours sur le continent ?

L’OTAN porte une logique de guerre. Je fais le choix d’une logique de désarmement et de pacification. C’est une ligne politique qui n’est pas une rêverie. Si j’étais à l’Élysée, bien sûr, je sortirais du commandement militaire intégré de l’OTAN de manière planifiée, organisée. Surtout en temps de menace de guerre généralisée, pour ne pas être embarqués dans cette histoire.

Mais alors, comment défendre les Ukrainiens ?

La politique des Insoumis est non-alignée et altermondialiste. Je pense que la priorité de la guerre est égale à zéro. La priorité, pour moi, c’est d’avoir des politiques massives de changement des infrastructures pour limiter les conséquences du changement climatique. Je n’ai jamais dit non plus que les Français abandonnent leurs voisins ni l’Europe. On ne quitte pas l’Union européenne. Nous sommes européens, mais pas otanistes. Les traités européens prévoient que notre défense face à l’agresseur est collective. Par conséquent, les mesures prises par l’UE pour aider l’Ukraine, nous les accompagnerions au cas par cas. Notre programme maintient le soutien ferme à la souveraineté de l’Ukraine.

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Entre Biden et Trump, qui choisiriez-vous ?

Je ne suis pas concerné. Leur politique est déterminée par leurs intérêts. La plupart de ces dirigeants ne savent même pas où sont nos capitales. Ce sont souvent des rustres. Je ne dis pas qu’ils sont nos ennemis ! Mais on a le devoir de les critiquer.

Votre politique étrangère est très éloignée de vos alliés socialistes ou communistes.

Les communistes, je ne sais pas ce qu’ils pensent sur le sujet, mais les socialistes c’est tout à fait clair. Ils sont sur une position atlantiste historique. Les écologistes, ça dépend qui parle. C’est pourquoi il faut que quelqu’un tranche. C’était l’importance du vote de 2022 et ce sera maintenant avec le vote de 2027.

La présidentielle est la seule clarification possible ?

Tout le monde sait qu’en France c’est la Présidence qui a tous les pouvoirs. La France n’a jamais été capable de changer autrement. Jamais. On est toujours passés d’une Constitution à l’autre dans un rude désordre, qui finalement se règle plus vite que ce qu’on croyait.

Dans la perspective de 2027, gouverner aujourd’hui pourrait être négatif pour vous ? 

Non, c’est l’inverse. Si on gouverne, on ferait la démonstration que nos méthodes payent. Les Espagnols y arrivent. Pourquoi on n’y arriverait pas ? Sanchez discute avec Podemos. Je ne dis pas qu’on suivrait exactement le premier ministre espagnol, mais il a montré qu’on peut appliquer des mesures sociales progressistes. Ce qui serait absurde, c’est, avant même d’arriver, de dire qu’on changera notre programme, comme le dit la candidate du PS Madame Tubiana. C’est une erreur totale. Je pense qu’au contraire, si on appliquait notre politique, on aurait immédiatement une respiration populaire telle qu’on a des chances plus raisonnables de gagner en 2027.

Vous avez parlé de Hollande qui sort de la naphtaline et l’ex-président a été comparé aux punaises de lit par Sophia Chikirou. Comment allez-vous discuter avec les socialistes ?

Elle n’a pas parlé de Hollande mais du hollandisme. Les chefs de parti discutent. Mais les définitions que vous avez données, nous les avons subies pendant des mois. On nous a accusés d’ambiguïté sur l’antisémitisme tous les jours, des dirigeants socialistes interviennent et nous insultent. Personne ne dit rien. Par exemple, une dirigeante socialiste a qualifié un de nos députés élu d’une circonscription « réserve d’Indiens ». Vous vous rendez compte ? Et ça ne choque personne. C’est très blessant pour moi de recevoir des leçons de républicanisme ou de lutte contre l’antisémitisme par des gens qui ne sont même pas capables de cacher la haine qu’ils ont pour les musulmans. C’est une campagne pour nous affaiblir de toutes les manières possibles. Et la cible c’est moi-même parce que tout le monde sait que je ne céderai jamais. Tout ce qu’on a fait, nous l’avons réussi. Pourquoi je céderais ? Pour faire comme les socialistes ? Il y en a déjà assez comme ça.

Pour gouverner ensemble ça va être très compliqué.

Vous avez un peu raison. Mais j’ai confiance. L’action commune fédère. Eux n’ont pas choisi la voie du compromis. Ils m’ont éliminé, puis refusé Huguette Bello. On aurait pu s’accorder sur elle, puis après dans le gouvernement on aurait discuté, comme le font les Espagnols. Ils ont choisi de nous imposer Madame Tubiana, qu’aucun de nous ne connaît. Ils ont demandé une audition de Madame Bello ! Pourquoi ? Parce que c’est une femme racisée venant d’Outre-mer ? Souvent, des Français ont une mentalité postcoloniale effrayante. Ils ne s’en rendent même pas compte. On nous accuse d’être brutaux, mais c’est ça la brutalisation.

Dans les sondages, vous êtes le politique le plus rejeté par les Français, à 78 %. Comment réagissez-vous ? 

La nullité des sondages français vient d’être prouvée. Mais les médias n’y renoncent pas. Je réagis de la même façon depuis 2010, car le premier sondage date d’alors. La question était très sympathique : « est-ce que Mélenchon est un boulet ? ». Et la réponse était oui pour 70 %. J’ai de gros yeux, je parle avec les mains, je suis un latin. Alors pour les gens de la bonne société, ce genre de personnage sent le soufre. Mais c’est moi qui ai fait presque 22 % au premier tour de la présidentielle en 2022, et le PS 1,67 %. Donc ça m’est complètement égal. Si 78 % des Français ne veulent pas de moi, ça me laisse 22 %. Au deuxième tour de la présidentielle, on verra quel projet ils détestent le moins le mien ou celui de Le Pen. Mais encore faut-il que je sois candidat !

Que signifient les tortues sur votre bureau ?

C’est ma réponse aux journalistes qui prédisaient mon échec en 2022, à moins de 10 % selon eux. J’ai dit : je suis une tortue électorale. Mes partisans qui ont trouvé ça drôle et maintenant ils m’offrent des tortues. J’ai appris que dans le bestiaire chinois, ça représente le pouvoir politique, parce qu’il y a une carte de l’empire. Et puis c’est un animal qui vit très vieux, ce qui fait le désespoir de mes concurrents. Chaque fois qu’ils me voient cracher du feu et des flammes, ils se disent que ce n’est pas demain qu’ils se débarrasseront de moi. Je reçois des menaces de mort, il y a même des gens d’extrême droite qui ont été condamnés pour tentative de meurtre contre moi. Plusieurs de mes camarades ont dû déménager ! C’est violent, ce que nous vivons à cause de cette campagne de haine contre nous. Mais notre combat politique vaut la peine d’y dédier sa vie.

Vous reconnaissez que vous faites du feu et des flammes quand vous parlez ? 

Je parlais de ma forme physique. Mais oui, mon père aussi était comme ça, c’est familial.

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