L’ Europe devienne folle!

Les Européens demandent à leur banque d’investir dans la défense

La France, l’Allemagne et douze autres Etats membres font pression pour que la Banque européenne d’investissement puisse financer l’industrie de défense, ce que ses statuts lui interdisent aujourd’hui.

Par Vincent Collen
18 mars 2024

La Banque européenne d’investissement (BEI) devra mettre plus d’argent dans l’industrie de défense à l’avenir. Quatorze Etats membres de l’UE, dont la France et l’Allemagne, ont adressé une lettre commune en ce sens à la BEI, la principale institution de financement commun des Vingt-Sept, présidée depuis le 1er janvier par l’espagnole Nadia Calvino .

Les statuts de la BEI lui interdisent aujourd’hui de financer les projets de défense stricto sensu. Elle peut néanmoins investir dans les technologies dites « duales », qui ont des applications à la fois civiles et militaires : drones, satellites, systèmes de renseignement, cybersécurité…

La BEI a annoncé quelque 8 milliards d’euros d’investissements dans ces domaines d’ici à 2027, dont un peu plus de 2 milliards ont été engagés à ce stade. « C’est déjà important. Les frontières sont souvent floues pour ces technologies duales qui sont cruciales dans la conduite d’une guerre aujourd’hui », explique Thierry Tardy, chercheur associé à l’institut Jacques-Delors.

« Au-delà des projets existants »

Avec le renforcement de la menace russe, les quatorze pays veulent aller plus loin. « La puissance d’emprunt de la BEI est nécessaire de façon urgente », écrivent-ils. « Nous devons explorer différentes possibilités qui permettraient à la BEI d’investir dans des activités liées à la défense au-delà des projets existants dans les technologies duales. » Les Etats signataires de la lettre demandent une « réévaluation des définitions actuelles » pour les technologies duales, ainsi qu’une révision « de la liste des activités exclues » et autres « éléments restrictifs ».

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« Le poids des Etats demandeurs signifie que le changement demandé a de fortes chances de se concrétiser », reprend Thierry Tardy. Outre Paris et Berlin, la liste des signataires comprend la Finlande, la Suède, la Bulgarie, la Roumanie, la République tchèque, le Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne et les trois Etats baltes. La pression est donc maximale, malgré les réticences d’autres pays comme l’Autriche, qui est neutre.

Avec la levée de ces verrous, la BEI pourrait-elle investir à l’avenir dans des projets d’armements proprement dits, y compris des équipements offensifs et létaux comme des chars de combat, des obus d’artillerie, des roquettes ? C’est toute la question.

Une précieuse notation « triple A »

La « banque des Etats membres » jouit aujourd’hui d’une précieuse notation « triple A » lui permettant un accès à des financements à taux réduits sur les marchés. Certains redoutent qu’elle ne puisse pas lever de l’argent aussi facilement si elle se mettait à financer des projets d’armements. « Il me semble très peu probable que nous en arrivions là », indique une source proche du dossier.

Mais les Etats signataires de la lettre entendent bousculer le jeu. Réformer les missions de la BEI permettrait justement d’envoyer « un effet de signal » aux investisseurs pour stimuler les flux de capitaux dans le secteur européen de la défense en rendant ces investissements « plus acceptables », expliquent-ils.

Règles d’investissement durable

Au-delà de ses propres investissements, la Banque joue en effet un rôle de levier sur les investissements du secteur privé. « A travers sa fonction de screening initial, la BEI peut contribuer à attirer des investisseurs étrangers sur des projets européens », écrivent les analystes de HSBC dans une note publiée ce lundi.

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« Beaucoup de PME du secteur de la défense ont du mal à accéder aux fonds publics ou privés en raison des règles d’investissement durable qui sont de plus en plus suivies, explique Luigi Scazzieri, du think tank Centre for European Reform. Une plus grande implication de la BEI enverrait un signal politique fort en montrant qu’investir dans ce secteur n’est pas quelque chose de mauvais ».

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