Le Président du Kosovo Hashim Thaçi responsable d’un trafic d’organes, selon le Conseil de l’Europe

19 Mar., 2018

Au vu de l’actualité, je reprends ici ces articles de 2010…

Source : RFI, 21/12/2010

De 1998 à 2000 des centaines de prisonniers détenus de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) – principalement des Serbes du Kosovo, mais aussi probablement des Roms et des Albanais accusés de « collaboration » – ont été déportés en Albanie, où ils ont été assassinés pour alimenter un trafic d’organes.

Carla Del Ponte avait identifié une « maison jaune » située dans le village de Ripa, près de Burrel. Il paraissait improbable que cette maison, située dans une zone reculée, ait pu abriter la salle d’opération très moderne nécessaire pour extraire des organes et les faire parvenir rapidement à de riches demandeurs. Pourtant, il semblait évident que quelque chose de « louche » s’était produit dans cette maison, où les enquêteurs du TPI avaient notamment retrouvé des traces de sang. Dick Marty lève les doutes sur ce point, en expliquant qu’il ne s’agissait que d’un petit centre de détention, parmi d’autres situés en Albanie. Les prisonniers qui y étaient détenus étaient conduits vers une petite clinique située à Fushë Kruja, à une quinzaine de kilomètres de l’aéroport international de Tirana lorsque des clients se manifestaient pour recevoir des organes. Ils étaient alors abattus d’une balle dans la tête avant que ces organes, principalement des reins, ne soient prélevés.

Selon le Procureur spécial pour les crimes de guerre de Serbie, Vladimir Vukcevic, 500 prisonniers auraient été conduits en Albanie. Ce chiffre demande encore à être confirmé, tout comme beaucoup de détails de la chaîne criminelle, notamment l’identité des receveurs, et celles des partenaires du trafic hors d’Albanie.

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Par contre, le rapport du sénateur suisse confirme la responsabilité accablante du « groupe de la Drenica », un petit noyau de combattants de l’UCK, regroupés autour de deux figures clés : Hashim Thaçi, actuel Premier ministre du Kosovo, et Shaip Muja, alors responsable de la brigade médicale de l’UCK et aujourd’hui conseiller pour la santé de ce même Hashim Thaçi.

Lors de la présentation de son rapport, jeudi à Paris, Dick Marty a également souligné les responsabilités accablantes de la communauté internationale. « Les grandes puissances connaissaient l’existence d’un trafic d’organes, mais elles ont fermé les yeux ». En effet, dès juin 1999, l’OTAN pénètre au Kosovo et les Nations unies établissent un protectorat sur le territoire. De surcroît, les services de renseignements occidentaux étaient déjà en liens étroits avec la guérilla albanaise de l’UCK – les services français ayant des relations privilégiées avec Hashim Thaçi, tandis que les Britanniques ou les Allemands étaient plus proches d’autres commandants. Le trafic s’est pourtant poursuivi au moins jusqu’en 2000.

Dick Marty écrit dans son rapport que des « signes » de l’existence de ce trafic étaient déjà perceptibles au début de l’année 2000, mais que les autorités internationales au Kosovo « n’ont pas jugé bon de lancer une enquête détaillée ». Dans le meilleur des cas, les autorités ont procédé à des investigations « superficielles et peu professionnelles à tous égards ».

Dans son livre, La chasse. Moi et les criminels de guerre , Carla Del Ponte dénonçait également le refus de toute coopération opposé à ses enquêteurs par les responsables de la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK) en 2001 et 2002, quand celle-ci était dirigée par Bernard Kouchner.

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Si la réalité du trafic d’organes est totalement confirmée, il s’agit incontestablement du pire crime des guerres yougoslaves, avec le massacre de Srebrenica. Et, comme dans ce dernier cas, les responsabilités internationales risquent fort d’être accablantes. Pour l’instant, les Etats-Unis et l’Union européenne ont affirmé qu’ils entendaient « prendre au sérieux » les accusations de Dick Marty. La responsable de la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton, a invité Dick Marty à mettre les preuves en sa possession à la disposition de la mission européenne Eulex, censée « appuyer » les institutions du Kosovo dans la construction de l’Etat de droit.

Il est vrai que le TPI de La Haye ne peut plus ouvrir de nouvelles enquêtes et n’aura donc pas la possibilité de juger Hashim Thaçi et ses supposés complices. Seule la Cour pénale internationale pourrait éventuellement se saisir de l’affaire.

Pour leur part, les autorités du Kosovo dénoncent vigoureusement le rapport de Dick Marty, parlant de « mensonges » et d’accusations « sans fondement ». Elles sont suivies par le gouvernement de Tirana, très inquiet des complicités qui risquent d’être mise au jour en Albanie.

Ce scandale intervient enfin à un moment très délicat de la vie politique du Kosovo. Dimanche dernier, en effet, les élections parlementaires ont été remportées par le Parti démocratique du Kosovo (PDK), la formation de Hashim Thaçi, mais au prix de fraudes importantes, qui ont entraîné l’invalidation du scrutin dans cinq communes. Hashim Thaçi souhaitait pouvoir former au plus vite un nouveau gouvernement, mais il n’a probablement plus de véritable maîtrise du calendrier. Les élections seront réorganisées le 9 janvier dans les communes où la fraude est la plus avérée, et l’avenir politique du Premier ministre dépend désormais avant tout des suites judiciaires qui seront données à l’affaire.

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Source : RFI, 17/12/2010

Le fameux rapport est consultable en français ici (cliquez sur l’exposé des motifs en bas) ou ici (et en pdf ).