UCAD: l’hommage à Samir Amin se transforme en procès contre la France en Afrique

Une Guy Marius Sagna, mais version française. Mireille Fanon, la fille de Frantz Fanon, figure de proue des luttes anti-coloniales, a transformé hier l’hommage rendu au penseur Samir Amin à l’UcAD en procès de la politique française en Afrique. Devant Amadou Hott, ministre de l’Economie, cette dame venue de l’Hexagone a fustigé l’accaparement de nos ressources naturelles par la France « sous le regard complice des chefs d’Etats africains » a-t-elle soutenu.

Tel père, telle fille ! Le ministre Amadou Hott ne démentira pas cette assertion. En effet, venu présider lundi à l’UCAD le symposium international et multidisciplinaire en hommage au professeur Samir Amin, M. Hott a finalement assisté au procès de la politique française en Afrique. A la table du juge, Mireille Fanon, fille du légendaire psychiatre Frantz Fanon.

De la présence des troupes françaises en Afrique aux accords économiques liant l’ancien colonisateur à certains pays du continent en passant par le rôle de l’Union africaine dans la décolonisation (qui resterait à réaliser) du continent, l’héritière de Frantz Fanon a exposé ses critiques devant Amadou Hott, ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération qui avait du mal à cacher son étonnement. « Le président de la République française va organiser, au mois de juin prochain, un sommet France-Afrique dont on peut imaginer l’instrumentalisation  faite de l’idéologie du panafricanisme tel que nos ancêtres  l’avaient  pensé.  On  est  loin  de  cela puisque c’est quand même une vision économique de comment essayer de profiter encore plus des ressources naturelles de l’Afrique ou par des accords commerciaux iniques » a soutenu Mireille Fanon, dépositaire de l’héritage de Frantz Fanon, farouche défenseur des peuples du Tiers monde.

Toujours dans sa croisade contre l’ingérence française dans les affaires africaines, la dame a rappelé que la France va bientôt envoyer 700 soldats à Bamako. Ce alors que, selon elle, « on sait que la solution du terrorisme est totalement politique mais absolument pas militaire ». A l’en croire, cette présence des troupes françaises est juste un moyen pour ce pays d’avoir un pied en Afrique continuant ainsi l’idéologie de domination et de colonialisme.
Par ailleurs, fustigeant l’échec des chefs d’Etat africains à pouvoir unir les peuples du continent noir, Mireille Fanon a tenu à faire un rappel : « si vous vous souvenez, en 2003, l’Union africaine avait décidé que la diaspora africaine serait la 6ème région de l’Afrique. Or, ce qui se passe, c’est que devant les difficultés pour l’UA d’organiser cette sixième région, des personnes commettent des actes parfaitement coloniaux en étant adoubées — je suis désolée de le dire — par des présidents africains ».

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En ce qui concerne l’enjeu qui sous-tend le symposium dédié à l’intellectuel Samir Amin, la présidente de la f o n d a t i o n Frantz Fanon estime qu’il serait extrêmement important de montrer qu’au regard de tous les apports sur les analyses économiques faites par ce dernier, nous ne sommes pas dupes pour savoir que le développement de l’Afrique ne viendra pas d’accords particuliers avec la France. Mais des Africains et de l’Afrique elle-même.
Suffisant pour l’économiste Moustapha Kassé d’évoquer la problématique de souveraineté nationale face à une gouvernance mondiale imposée par des institutions comme le Fonds monétaire international (FMI). « La gouvernance mondiale est assurée par un quarteron de puissances alors que l’écrasante majorité des Etats, particulièrement les Etats qui repré- sentent les 90 % de la pathologie mondiale mais en même temps 90 % de la conflictualité mondiale,  sont  complètement  absents  des centres de décisions. C’est dire que la mondialisation telle qu’elle se présente est à la fois une  tourmente  et  pose  beaucoup  d’inquiétudes », a analysé le Pr Kassé.

Amadou Hott, ministre de l’Economie : « il y a une volonté de changement en Afrique»
Succédant à Mireille Fanon pour intervenir sur l’apport des pays du Sud dans la gestion de la crise multidimensionnelle du système mondial, le ministre de l’Economie, Amadou Hott a mis l’accent sur l’importance du partenariat interafricain. D’après lui, concernant l’Afrique, les récentes initiatives notamment l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) constituent des illustrations d’une volonté de changement et de renforcement des partenariats Sud-Sud. « Il y a  une  volonté  de  changement  en  Afrique. Cette volonté de changement en Afrique intègre désormais la dimension de la durabilité dans  le  processus  de  développement  et conforte  le  professeur  Samir  Amin  dans  sa pensée.  C’est une étape cruciale vers l’intégration des économies africaines. Elle est également une étape importante vers la stimulation du commerce intra-africain vers la réalisation d’un développement endogène durable sur le continent », a-t-il expliqué comme pour dire que, pendant que d’aucuns vitupèrent la France, puissance coloniale, les dirigeants du continent, eux, construisent patiemment son intégration…

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