Près de 300 personnes au débat de Révolution Permanente sur les Gilets jaunes et le « spectre de la Révolution »

Plus de trois cents personnes ont assistés ce vendredi soir au meeting de Révolution Permanente à la Générale dans le 11ème arrondissement de Paris. Des milliers de personnes ont suivi en direct le meeting sur le direct Facebook. Dans une ambiance pleine d’émotion et de détermination, un grand succès pour le meeting intitulé « Gilets jaunes : le retour du spectre de la révolution ? ».

Par Léa Luca
01 Fev., 2019

C’est à la Générale, local associatif et lieu militant bien connu que s’est tenu l’évènement. A la tribune se sont succédés Flora Carpentier et Daniela Cobet, membres du comité de rédaction de Révolution Permanente, Anasse Kazib, cheminot figure de la grève du printemps dernier, Assa Traoré, du collectif Vérité pour Adama, ainsi que trois Gilets jaunes, Franck et Antonio, tous deux blessés lors de manifestations et Oriane, à l’initiative des manifestations Femmes Gilets jaunes.

Flora Carpentier, militante de Révolution Permanente, reconnue pour son engagement sur le terrain aux côtés des Gilets jaunes chaque semaine introduit la réunion : « Qui aurait cru que les Gilets jaune, cet objet qu’on a tous une fois côtoyé, serait devenu le symbole de l’affrontement contre Macron et son monde, à l’Etat et sa police ? Le mouvement des Gilets jaunes a redonné espoir ». Elle explique la tâche que s’est donné Révolution Permanente : donner la parole aux Gilets jaunes, en faisant fi de toute prétendue neutralité : « nous avons choisi notre camp, celui des gilets jaunes, d’une jeunesse en mal d’avenir ».

Anasse Kazib lui succède au micro pour poser la question des perspectives pour le mouvement et des méthodes de lutte. Pour lui, si les Gilets jaunes ont déjà démontré beaucoup, il s’agit de passer à une étape supérieure. On ne peut plus se contenter de manifester tous les samedis et se contenter d’être 80 000, 100 000 dans la rue. Ce que posent de façon urgente les centaines de milliers de personnes qui se sont mobilisés depuis le 17 novembre, qui ont été blessé par milliers sous les coups de la police c’est d’avoir une vie décente, pouvoir manger à la fin du mois : « il faut revendiquer la hausse des salaires ! » Pour cela le 5 février va être une date clé : « le 5 février, il va falloir transformer le mouvement des gilets jaunes en mouvement du tous ensemble, et ça pas dans six mois mais aujourd’hui, car c’est aujourd’hui qu’ils ont la tête sous l’eau ». Le 5, tous les Gilets Jaunes qui le peuvent doivent se mettre en grève dans leurs entreprises, martèle Anasse, car notre lutte ne peut pas se contenter d’être seulement dirigée contre Macron et la classe politique, mais doit frapper ceux qui nous exploitent au jour le jour : le grand patronat.

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C’est ensuite que trois Gilets Jaunes prennent la parole à la tribune. Oriane, créatrice de la page Facebook Femmes Gilets jaunes et à l’initiative des manifestations de Femmes Gilets jaunes en région parisienne raconte à la salle son vécu de femmes précaire. « Une bonne pauvre est une pauvre qui se tait, mais même plus une bonne pauvre est une pauvre qui est morte ». Elle revendique le rôle des femmes dans le mouvement des Gilets jaunes : « Nous aussi nous comptons nos blessés ». Elle conclut en citant Mirabeau : « tant que les femmes ne s’en mêlent pas il n’y a pas de véritable révolution ».

Deux Gilets jaunes blessés, victimes de la répression lors des manifestations, lui font suite. Franck, 20 ans, paysagiste originaire de la Haute Marne, a été éborgné par un tir de flashball lors de l’acte III. « J’ai 20 ans, j’ose même plus me regarder dans une glace, je suis défiguré ». « Depuis le premier décembre je ne mange plus, je ne dors plus, j’ai perdu 20 kg » « Je pense à mes futurs enfants, comment ils vont faire pour se nourrir, pour trouver un appart, un travail ? » Antonio, lui, a été touché au pied par une grenade Gli-F4, le même type de grenade qui a touché Rémi Fraisse comme il le rappelle. Franck et Antonio organisent pour l’acte XII, une grande marche des blessés, qui partira de Daumesnil pour rendre hommage et demander justice pour les 2000 Gilets jaunes blessés au cours du mouvement. Ils se battent pour l’interdiction du LBD 40 ainsi que ces grenades. Comme le souligne Antonio : « je suis militant contre les violences policières depuis bien avant les Gilets jaunes, Adama, Théo, je ne les oublie pas ».

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En effet, les violences policières qui touchent aujourd’hui en masse le mouvement des Gilets jaunes sont loin d’être une nouveauté dans les quartiers populaires. C’est le sens de l’intervention d’Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré tué par la police en juillet 2016. Elle rappelle que les blessures par flashball sont courantes chez les jeunes de quartiers populaires, évoquant le cas de Fatouma Kébé, mère de famille éborgnée par un tir de LBD il y a quelques années. « Nous dans nos quartiers on a pas besoin d’aller manifester pour se faire tuer et subir les violences policières. […] Mon frère a été tué, nous on se fait tuer par ce système depuis des années : nos quartiers sont des camps d’entraînement » « Aujourd’hui c’est un mouvement qui ne peut pas se faire sans les quartiers populaires, car ces violences policières on les subit ».

C’est alors que la tribune a proposé à la salle de prendre une photo de solidarité pour exiger justice pour Zineb Redouane, 80 ans, décédée à Marseille le 2 décembre après avoir reçu une grenade lacrymogène en plein visage dans son appartement, mais également pour exiger la libération du boxer Christophe Dettinger dont le procès aura lieu le 13 février, et l’amnistie de tous les Gilets Jaunes condamnés, ainsi que pour rappeler le combat mené depuis 2 ans et demi pour exiger justice pour Adama Traoré et tous ses frères incarcérés.

Conférence – débat à La Générale Nord-Est, organisé par Révolution Permanente: « Gilets jaunes : le retour du spectre…

Geplaatst door Jean Segura op Vrijdag 1 februari 2019

Daniela Cobet, membre du comité de rédaction de Révolution Permanente a abordé un volet plus idéologique en essayant de donner des éléments de réponse à la question ouvrant le meeting : « Gilets jaunes : retour du spectre de la révolution ? » Elle met en avant le caractère pré-révolutionnaire de la situation, mesurable aussi bien par la fébrilité des classes dominantes, que la détermination des Gilets jaunes : « quand on voit Franck, et ces autres Gilets Jaunes, qui ont perdu un œil ou une main, qui retournent en manif, on voit qu’il se passe quelque chose de très profond, qui fait écho à des moments très forts dans notre histoire ».

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Face à ce mouvement, la gauche a une responsabilité historique, notamment pour éviter que l’extrême-droite n’ait le champ libre pour capitaliser la colère sociale. Il s’agit de se saisir de ce mouvement et s’y investir autant que possible. Mais certes, pas de façon acritique : contre un mouvement qui se réclame du peuple, il faut insister sur la dimension de classe et lutter pour que le 5 février soit le point de départ d’une véritable grève générale. C’est aussi sur la question du caractère international de cette classe que Daniela Cobet a insisté, montrant que la solidarité et la fraternité qui se sont tissées dans les ronds-points et les manifestations dépassent les frontières de l’hexagone, en jonction avec les travailleurs du monde entier, ce qui pourrait constituer le meilleur antidote contre l’extrême-droite. Loin de de se contenter d’une lutte contre le gouvernement, c’est au patronat et à sa politique de classe qu’il faut s’affronter. Eux s’organisent, alors à nous aussi de nous organiser.

C’est ensuite qu’une discussion a eu lieu avec une dizaine d’interventions en provenance de la salle. Plusieurs d’entre elles ont signalé la nécessité de se joindre aux quartiers populaires, faisant le lien notamment entre la précarité des Gilets jaunes et les effondrements d’immeubles à Marseille qui tuent. Ou encore des Gilets jaunes de Rungis qui sont intervenus, en plus d’un étudiant de Paris 8, militant de Révolution Permanente. Dans une ambiance pleine d’émotion et de détermination, le débat a ainsi montré une grande qualité, exprimant d’une certaine manière la politisation qui émerge depuis deux mois dans le mouvement. Une assemblée de femmes s’est ensuite improvisée, regroupant plusieurs dizaines de femme. S’en sont suivi des discussions conviviales autour d’un verre. Un grand succès pour ce meeting qui n’aurait pu avoir lieu sans la mobilisation d’une détermination sans faille des Gilets jaunes.

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