Les coopératives et les organisations politiques et sociales en Afrique de l’Ouest – un exemple pour nous organiser en Europe de l’Est? | par Monika Karbowska (2ème partie)

2ème partie  (lire aussi Les coopératives et les organisations politiques et sociales en Afrique de l’Ouest – un exemple pour nous organiser en Europe de l’Est ? I)

Burkina Faso
Le Socialisme coopératif,  une vision concrète pour la patrie de Thomas Sankara
Bobo Dioulasso

Je pars la nuit à 4h du matin avec le puissant autocar de la compagnie nigérienne Rimbo. On va vers le nord, à Ségou, puis dans le sud, à Koutiala. Nous arrivons à la frontière vers midi. De prime abord le Pays des Hommes Intègres est accueillant. Les soldats saluent gentiment à la vue mon passeport de toubab, mais ne racketent pas non plus les autres étrangers, principalement Nigérians. Le poste frontière est une bâtisse un dur et l’espace alentours occupé par les marchandes de bananes, d’arachides, d’eau, de thé et de mouchoirs, est dégagé et propre. Un baobab magnifique marque le passage que je me retiens de photographier, sachant qu’aucune police n’aime qu’on photographie les passages frontières. Plus nous avançons plus la campagne se fait riante : les rizières découpées au cordeau sont vertes fluo chargées de leur précieuses plantations, les cannes à sucre poussent des forêts touffues de roseaux.  Des collines annoncent au loin un nord du Burkina valloné et plus sec ou je ne pourrais pas me rendre. La route est bien entretenue. Dans les villages, je remarque des entreprises plus industrielles, des huileries, des sucreries qui donneront l’excellent sucre roux que je vais consommer à Bobo Dioulasso. Je remarque également quelques cimenteries qui doivent être un héritage de l’industrialisation communiste de la Révolution sankariste.

L’arrivée à Bobo Dioulasso se fait dans l’immense quartier aux artisans. Je n’ai aucun mal à arrêter un petit taxi vert qui m’emmenèra dans le centre. Le chauffeur obligeant me parle de sa ville, composés de deux peuples, les Bobos et les Dioulas, lui meme étant Dioula comme mon ami guinéo-ivoirien Karim. Je passe deux magnifiques journées de repos dans le petit hotel du centre de formation de l’archevêché catholique en plein centre ville, non loin du marché, de l’ancienne Mosquée du19 siècle et de la Mairie brûlée par les manifestants d’Octobre 2014 et tout près du petit musée de l’artisanat des Sénoufos. Le centre catholique est une vaste propriété dans un splendide parc. Je suis accueillie par des religieuses et dans le vaste réfectoire le cuisinier très gentil me prépare tout les soirs une belle salade de laitue, de succulents avocats et de tomates locales. Le plats de résistance est composé de riz local et de sauce aux herbes, excellemment épicée. Les jus d’ananas sont sucrés mais je vais aussi boire une bonne bière Brahkina ou la fameuse Dolo de mil. Je dors dans une petite chambre dans un bungalow à l’ombre des arbres. Je circule à pied dans les rues du centre ville, du supermarché à la boutique de téléphone. Je discute en touriste avec les gens. Je fais réparer mes deux paires de sandales polonaises par un cordonnier au travail solide. Au pied de la Mosquée en banco je fais la connaissances d’Eric, vendeur d’aristanat et guide. Il me fait visiter la vieille ville de Sya, le brasserie de dolo tenue par des femmes, la Maison Mère ou la maison du premier ancêtre du 19 siècle, embryon de la ville de Bobo Dioulassso. Il me parle des fêtes des masques et me montre le lieu des sacrifices. Je le suis captivée, mais je discute de notre vie en Occident, du travail et de l’exploitation, de la beauté de sa région que je traverse.

Un artisan couturier fatigué et désabusé me dit qu’il est issu de la minorité de Burkinabés qui a du se rapatrier suite à la guerre civile ivoirienne. Il voudrait aller ailleurs, mais sait que le départ en Occident est encore plus compliqué et ne lui rapportera pas forcément la stabilité et la prospérité. Il me confectionne avec quelques chutes mon joli étui à portable décoré d’un bouton en cauri. Les jeunes sont attablés à un bar dehors. Je visite le « ‘pavillon au masques » ou l’association des jeunes m’explique les techniques de production et la signification de ces objets rituels, cultuels mais aussi porte bonheur ou simplement de superstition. Je suis saisie par l’étrangeté mais aussi la délicatesse du travail du bois de différentes couleurs et factures. Je suis sensible à l’idée d’énergie postive ou négative. Quelques part, nous sommes tous des paiens que les religions monothéistes ont converti ou assujettis de force, et notamment à l’Est de l’Europe ou la reglions catholique est arrivé avec la domination occidentale il n’y que 1000 ans tandis que d’autres peuples, tels les Bulgares, cultivent avec passion la mémoire de leur chamanisme originel. Le christianisme de l’Est avec ses saints vénérés et ses lieux de superstitions, forêts avec Saint Onufre et chapelles sur les carrefours, n’est qu’un successeur de très vieux cultes polithéistes et animistes.

Je déjeune et je bois un jus d’ananas dans un petit maquis près du marché ou je discute avec des jeunes attablés des événements de 2014. Doucement je leur pose quelques questions sur leurs opinions politiques, invariablement anti dictatures et anti impérialistes. Mais ils ne semblent pas au courant que 3 jours après le Balai Citoyen tiendra un grand meeting de lancement de la souscription populaire pour le Mémorial de Sankara sur la place près de la gare ferroviaire. Je finis mon périple par le visite de l’artisanat Senoufo. Dans le jardin du musée j’assiste à l’adroite fabrication d’un balafon en bois par un artisan à qui j’achète menus objets qui me plaisent et avec lequel je bois ma Brakhina. Je rentre à pieds dans une ville ou la soirée commence par un dense ballet de mobylettes sur lesquelles sont juchés les travailleurs rentrant chez eux. Le lendemain mon taximen m’amène à la gare routière dans le grand marché ou je prens un bus confortable vers Ouagadougou. Le voyage se déroule sans histoire sur une belle route dans une campagne toujours aussi magnifique entre champs de cotton, de cannes à sucre, pâturages, collines verdoyantes et villages à l’architecture de banco aux courrettes ordonnées et cerclés de clôtures en bois. Le centre du village le plus souvent occupé par les petites mosquées, tandis que l’église catholique à l’architecture moderne occupe  un grand espace juste en dehors. Parfois une grande coopérative agricole dotée d’une école, d’un internat, d’une boulangerie et d’un moulin est annoncé sur un panneau comme un lieu de culte protestant tout neuf.

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Ouaga me semble tout naturellement comme un lieu déjà connu, comme une ville construite par un architecte communiste d’Europe de l’est avec ses grandes avenues à 4 voies bordées de lampadaires, d’arbres et de maisons en partie en béton. La ville m’a paru également particulièrement organisée et propre.

Ouagadougou culturelle et politique  

Je suis accueillie à Ouaga chez mes amis militants d’ATTAC Burkina Faso, association creée dépuis plus de 10 ans et membre du réseau CADTM Afrique. Rasmata m’héberge chez elle dans son deux pièces du quartier prêt du barrage. Je passe une semaine juchée tous les matins sur la mobylette de mon camarade Souleymane, morte de peur de circuler sans casque parmis les milliers de motos et vélos pétaradantes encombrants les bas côté séparés des larges avenues en « couloirs à mobylettse ».  Nous faisons plusieurs fois par jour le tour de la ville, de la Place de la Révolution au barrage en passant par les Carrefour des Nations Unis, de l’Afrique et du 31 Octobre. Ces carrefours sont ornés de curieuses statues symboliques rappelant l’art un peu pompier de nos pays de l’Est ou la statuaire des villes sert à rappeler les Grandes Idées censés guider la Nation et rappeler tous les jours aux passant le sens de leur vie et de leur activité. La plus célèbre des statues est celle de la belle verseuse d’eau symbolisant l’accueil chaleureux et purifiant de cette terre, située juste devant la station service Total en face de la Poste Centrale

Ouaga est embrumée dans les vapeurs d’esssence des mobylettes, suractive et animée, mais c’est somme toute une ville à taille humaine, bien entretenue et agréable. Le trafic des voitures et des camions n’est pas aussi dense qu’en Occident et on n’y roule pas aussi vite que chez  nous. Les automobiles doivent se frayer une place dans ballet des deux-roues, de charettes et de piétons et doivent donc respecter les nombreux codes non dits de cette circulation urbaine bien plus policée qu’il n’y parait. Je vois des bébés arrimés sur le dos de leur maman à moto dormir à l’aise dans leur tissus, des enfants tenants leur père par la taille assis sur le siège arrière sans aucune attache. Je finis par m’habituer à cette circulation surtout que mon camarade connait sur le bout des doigts sa ville et toutes les ficelles de cette conduite particulière.

Mes camarades m’emmènent visiter le Centre de Journalisme Norbert Zongo, un haut lieu de l’opposition burkinabé, ou un autel perpétue la mémoire du journaliste assassiné probablement par la police de Blaise Compaoré. J’aime l’inscription au dessus de la petite bougie éternelle allumée « la flamme de cette lampe ne s’éteindra pas tant que la lumière et la justice ne seront pas faite sur le sort de Norber Zongo ».

Je pense très fort à mes camarades morts à Odessa brûlés vifs le 2 mai 2014 par les fascistes dans la Maison des Syndicats. Ce feu terrible rappelle que nous tous nous luttons pour la Lumière, La Justice et la Paix et que nous devons unir nos forces. Le Centre Norbert Zongo accueille un sympathique restaurant maquis sous de grand arbres ou nous nous régalons de poisson braisé. Mais le centre a aussi joué un rôle important dans la Révolution du 31 Octobre en y abritant une réunion de coordination entre les différents mouvements qui organisent la contestation. J’aprends que cette capacité de négociation et d’action collective a épargné au pays le retour d’une dictature militaire et dans les heures les plus tendues a incité Compaoré a abandonner la bataille pour se réfugier en Côte d’Ivoire. Cependant la situation est loin d’être stable dans le pays. Nous savons que les différents « protecteurs » occidentaux sont à l’oeuvre pour reconstruire une élite qui pourraient perpétuer la soumission tout en paraissant plus légitime. J’apprends que si la France possède sa base militaire dans le Nord du pays et une élite économique franco-burkinabé uniquement préoccupée par elle même, l’Allemagne n’est pas en reste en implantant une certaine influence via des subventions aux projets culturels et des bourses d’études accordées aux jeune diplômés burkinabés fatigués d’attendre des solutions dans leur pays. De même les Etats-Unis créent des filières nouvelles de recrutement des élites par le biais de concours comme celui des « Young Leaders » avant d’investir plus largement dans l’économie, les médias et la société. La société bhurkinabée est partagée entre un savoir faire bien rôdé d’une économie de survie et un désir très fort d’échapper à un destin médiocre qui s’éternise. Construire des écoles évangéliques, des centres des santé, les coopératives de transformation agricole est le meilleur moyen pour un pays occidental de s’assurer ici d’une influence politique.

Alors que la consrtruction du Mémorial de Sankara était lancée, la mémoire du grand leader révolutionnaire ne semble pas vivante dans l’espace publique. Elle est plutôt dans le coeur des sankaristes  de tous les âges. Elle est présente dans le Centre Culturel Burkinabé, une bel espace entièrement autogéré dans le quartier populaire de Gonghuin. Mon camarade Souleymane ainsi que le directeur Goerge Kaboré me montrent le bureau orné de photos orginales de l’époque de Sankara, mais aussi la biblitothèque, la salle de lecture et surtout le théatre ou sont mises au point des oeuvres originales jouées par des bénévoles. Des artistes musiciens se reposent dans le jardin sous les grands arbes en me proposant un thé avant d’entamer une soirée de travail. Ils animent en effet les concerts du samedi soir dans différents lieux culturels de la ville, dont l’Institut Francais et sa magnifique salle de spectacle en plein air et le Centre culturel Allemand Goethe, le frère européen rival. La jeunesse de Ouaga ne prête pas attention aux rivalités des puissance européennes et vit sa création dans la vitalité de sa belle capitale. Le ballet de mobylette qui amènent jeune filles et garçons aux concerts du samedi soit est particulièrement dense et bon enfant. La culture n’est pas ici un une consommation, c’est un art de vivre.

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Le Centre Culturel de Gonghin possède aussi sa propre tribune pour des spectacles et des concerts. Il fédère des cinéastes, des acteurs et des chanteurs. De sculptures de métal issues de récupération ornent le jardin, de grand troncs d’arbres récupérés d’un abattage controversé sont transformées en bancs ouvragés. Des peintures murales attirent mon attention. L’une présentent des artistes et écrivains africains. L’autre met en garde contre une immigration illusoire : elle dépeint un jeune SDF allongé sur le sol d’un super marché en Europe, presque mort de froid et de solitude. Le slogan proclame « L’occident n’est pas un paradis ». Celle que j’aime aussi est la fresque des toilettes : un homme et une femme sont côté à côte. L’homme possède une clé à la place du sexe et une serrure à la place de la tête. La femme c’est l’inverse – son sexe est serrure et sa tête la clé. La métaphore me fait rire. Car oui si la femme a besoin de l’énergie sexuelle pour s’ouvrir à la compréhension de la vie, l’homme a besoin de m’intelligence de la femme pour ouvrir son cerveau…  Ouaga, ville agréable ou la culture joue un role si important attire aussi de jeunes Européens qui y cherchent des activités et le sens de la vie. Je l’espère, ils s’intègrent bien dans la société burkinabée et soutiennent les aspiratons des jeunes d’ici à vivre libres et dignes.

La condition actuelle des femmes au pays de Sankara

Le premier jour nous avons RDV chez les militantes de l’Association des Femmes Juristes. J’y apprends que la situation des femmes au Burkina Faso est particulière du fait de l’héritage sankariste. Il semblerait que la monogamie soit plus répandue que la polygamie et que l’accès aux études secondaires et supérieurs soit plus important que dans les pays voisins. Les militantes me donnent la brochure expliquant la loi de 2005 portant sur la santé reproductive. Les dispositions sont novatrices et radicales! Non seulement toute violence sexuelle et atteinte au corps est interdite, mais la loi garantit l’accès à toute forme de contraception à tous et toutes à égalité. L’information sur la contraception est garantit aux jeunes. De plus ne pas se protéger alors qu’on se sait atteint du VIH est puni comme un crime, particulièrement s’il y a contamination considérée alors comme un homicide volontaire!

En Europe il a fallu de nombreux procès pour que les femmes puissent faire condamner pour tentative d’empoisonnement un homme les ayant contaminées sciemment. Les peines n’ont été que de quelques années de prison. Concernant l’avortement, même si pour moi en tant que Polonaise le droit à l’avortement concédé uniquement en cas de viol, de malformation du foetus et de danger pour la santé de la mère est une régression par rapport à la liberté de décision que nous avions eu en Pologne Populaire, je conçois que la loi burkinabée garantissant ce droit est meilleure qu’une interdiction complète qui prévaut partout sur le continent africain sauf en Tunisie. Et puis la médecine traditionnelle est parfois plus accessible pour les femmes que les méthodes modernes. Les militantes de l’association m’expliquent leur campagne « Voie pour la Santé » sensibilisant les femmes à leur droit à espacer les naissances et à utiliser la contraception. Elles m’expliquent les « cliniques juridiques » assistant les femmes victimes de violence dans le cadre la loi contre les violences qui vient d’être adoptée. Cette loi  interdit l’excision, le mariage d’enfant, le viol conjugal, et les violences conjugales. Reste à la faire appliquer et ici comme ailleurs nous savons toutes combien il est difficile de faire changer les mentalités patriacales. Comme chez nous l’obsctacle est la peur des femmes de porter plainte de crainte de représailles. Un autre fléau est l’impossibilté de faire payer des pensions alimentaires par des hommes qui travaillent dans le secteur informel non seulement du fait de l’impossibilité de contrôler leutr revenus, mais aussi du fait de la faiblesse et de la précarité des ces revenus, indépendamment de la bonne ou mauvaise volonté des pères. Cela nous est bien connu, surtout en Europe de l’Est ou l’homme est insolvable dans son chômage et son revenu difficilement saisissable lorsqu’il émigre en Occident en quête perpétuelle de travail stable. Cependant, il n’est pas rare que les Polonaises se débarrassent aussi sec d’un homme parti en émigration qui ne rapporte pas l’argent escompté et ce sans aucun égard à ce que ces hommes peuvent subir comme exploitation en Occident.

Les féministes burkinabées comptent en outre sur la loi sur les quotas pour sécuriser un accès des femmes au postes politiques et changer ainsi petit à petit la structure patriarcale du pouvoir. Cela me semble réaliste étant donné le nombre important de militantes politiques dans différents partis et mouvements, comme chez mes amis d’ATTAC et au Balai Citoyen. Une femme, Assia… a même été une des leader du soulèvement de 2014 avec sa célèbre garde montée à cheval. L’Association des Femmes Juristes est en outre membre du Réseau National contre la Corruption, de l’Observatoire du Foncier et de la colition burkinabé pour le droit des femmes. Dans ce travail d’expertise nous nous attardons sur la question du foncier. Si les femmes burkinabées tout comme les Maliennes ont du mal à accéder à la propriété de la terre, combien de femmes européennes sont elle réellement SEULES propriétaires de terres agricoles et de moyens de production ? Peut être 1% au plus… En Europe les femmes sont propriétaires en tant que membres d’une famille et les féministes ont lutté pour le mariage égalitaire pour que la femme puisse posséder sa part des biens familiaux. Mais en Europe de l’Est il est encore fréquent de spolier la femme de sa part d’héritage foncier quand elle est seule et sans enfants par le biais de toute sortes de manipulation.

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Le meilleur karité de la région et la coopérative de Madame Ilboudo

Le lendemain nous partons avec mon camarade Souleymane 30km en moto pour la commune de Saaba, un gros bourg aux maisons  alignées autour d’une joli mosquée stylée avec son petit minaret. Nous sommes guidées par Emmanuelle, étudiante en maitrise de gestion du patrimoine et spécialiste des fameuses statues qui ornent les larges avenus de Ouaga. Je brûle d’en savoir plus sur son travail. Elle nous emmène chez sa tante, Madame Ilboudo qui est spécialiste du meilleure beurre de karité que j’ai vu au cours de ce voyage.

Nous sommes reçus dans la petite cour d’une petite maison sous les mangiers. Madame Ilboudo est une femme expérimentée mais alerte. Elle nous montre d’abord son panier de boules d’épices, le fameux soumbala. Et puis, son or à elle confectionné avec un savoir faire ancestral sans arrêt perfectionné. Les 5 saladiers sont remplis d’un beurre de karité onctueux comme de la crème, du beurre de la meilleur qualité. La texture est fine et aérienne, son gras léger, son odeur douce et sa couleur donne envie de le manger! Je me renseigne à nouveaux sur les étapes de fabrication, consciente que les petits secrets de production de chaque femme ne doivent néanmoins pas être dévoilés aux profanes. Madame Ilboudo me montre le 4 grandes jarres en terre cuite ou les noix de karité réduites en poudre chauffent pendant des heures au feu de bois. La jarre au contenant foncé est la première étape de fabrication. Lorsque le karité finit par lâcher sa graisse il prend alors une agréable couleur marron clair et une douce odeur de chocolat ainsi qu’une texture de crème: Mais auparavnt, les noix décortiquées qui s’empilent dans un grand sac de toile doiven être séchées pendant des heures au soleil sur une natte propre. La productrice étale les noix, me montre comment les piler sur un mortier avec un pilon en bois. Elle rit quand je m’y essaye. C’est là qu’elle me dit que les jeunes filles trouvent humiliant ce type de travail physique. Moi je trouve que le fruit sec s’écrase facilement et que ce n’est pas plus dur que les heures passées à décortiquer les noyaux de cerises pour les confitures de ma grand mère, des heures assise sur un petit tabouret sous les arbustes à ramasser un à un les fruits du cassis ou de groseilles, ou à éplucher et laver les légumes destinés à être mis en bocaux, ces heures que j’ai passées avec ma grand mère, mes tantes et ma mère presque tous les étés. Cependant ma grand mère était charitable avec les jeunes générations. Une fois le coup de main donné aux femmes nous pouvions sortir jouer et courir dans les champs. Jamais je n’ai méprisé cet admirable travail de conserverie domestique qui nous permet de maintenir notre culture et nous a permis de survivre aux différentes disettes des plans d’ajustement structurels du capitalisme.

J’admire le travail minutieux et inventif de Madame Ilboudo d’autant plus que je sais la valeur toujours avec moi fait son effet quand il s’agit de montrer la valeur du travail des artisanes d’Afrique. Avant d’acheter une provison conséquente de ce produit magique qui m’enlève tous les maux, des brûlures aux vergetures, je suis mon camarade militant qui m’indique dans la cour un grand arbuste ressemblant à un noyer. C’est le coton domestique, la plante endémique d’ici. Il me montre la petite fleur jaune et déjà le fruit d’ou s’échappe le moelleux blanc du coton. “Cela pas du OGM, c’est notre coton et notre fierté”. Souleymane m’emmènera tout à l’heure visiter la coopérative Africa Tiss qui tisse les fibres solides et légères de ce produit qui ne ressemble en rien au coton industriel que nous portons en Europe.

Nous discutons aussi de la nécessité pour le magnifique Karité de Madme Ilboudo et de sa coopérative de femmes Kalgonde Na Pooknini qui signifie “s’éveiller” en Moré, de disposer de jolis emballages pour pouvoir faire un commerce direct. Hélas le consommateur européen blasé n’achète pas de cosmétiques meme bio s’il n’est pas attiré par un emballage coloré. Je pense à une boite en bois ou en vannerie avec écrin en tissu qui pourraient remplacer avantageusement le plastique.

Les coopératives et les organisations politiques et sociales en Afrique de l’Ouest – un exemple pour nous organiser en Europe de l’Est? | par Monika Karbowska (3ème partie)