Les stupéfiantes confidences de Macron aux journalistes

3.février.2019

Macron : « Éric Drouet est un produit médiatique ».

Source : Le Point, Emmanuel Berretta, 02-02-2019

Le président de la République appelle les médias à se ressaisir et décortique l’influence des activistes et des Russes sur la frange radicale des Gilets jaunes.

Par Emmanuel Berretta

Douze semaines après l’embrasement du mouvement des Gilets jaunes, le président de la République pointe la responsabilité des médias, leur « naïveté » face à ce qu’il considère comme une manipulation des extrêmes, avec le concours d’une puissance étrangère. La Russie de Poutine, à travers Russia Today ou Sputnik, affleure dans son discours. Bien entendu, le président de la République fait la part des choses entre les revendications légitimes de la France des ronds-points sur le pouvoir d’achat (et à laquelle il a consenti dix milliards d’euros) et les « 40 000 à 50 000 ultras violents qui veulent abattre les institutions ». Emmanuel Macron a refusé d’accréditer Russia Today à l’Élysée, considérant comme dangereux cet organe de propagande.

« Drouet, c’est un produit médiatique, un produit des réseaux sociaux, observe-t-il en dénonçant l’abdication des médias traditionnels à faire leur travail de hiérarchisation et d’analyse. « L’envers du décor de cette crise a été très peu montré », souligne-t-il. Or, à ses yeux, « les différentes strates de Gilets jaunes, la déconstruction de ce qu’est le mouvement, de ses influences, la déconstruction de ses influences extérieures, ça, on l’a très peu entendu. Il y a eu une forme aussi de légitimation accélérée de ce qu’a été ce mouvement qui est un problème. »

« Éditorialisation de la vie politique »

Pour lui, c’est à partir d’avril ou mai 2018 que « l’éditorialisation de la vie politique a changé ». « Les quotidiens, quels qu’ils soient, ne font plus l’actualité, constate-t-il. Ils suivent les chaînes d’information en continu qui, de plus en plus, suivent les réseaux sociaux. Or, vous pouvez manipuler les débats. Il y a quelqu’un qui est à la frontière technologique de cette transformation, c’est Trump. C’est une question que l’on doit se poser. Ça veut dire que le zapping est permanent, qu’il n’y a plus rien de fixe, mais cela veut dire que l’une des fonctions qu’ont les journalistes qui est justement de hiérarchiser ce qui, dans l’information, est accessoire et ce qui est important ou a du sens a été abandonnée. Ce qui est en train de fixer ça dans la vie politique du pays, c’est le nombre de vues [sur Internet, NDLR] et les manipulations qui vont avec le nombre de vues. On l’a bien vu sur Facebook : plus j’ai d’amis, plus j’ai de capacité de diffusion, plus je suis relayé. Or, dans l’affaire Benalla comme Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère représentent 90 % des mouvements sur Internet. De plus en plus, des chaînes d’information disent « ceci est important, ceci est légitime » parce qu’il y a du mouvement sur Internet. Ce mouvement est fabriqué par des groupes qui manipulent, et deux jours après, ça devient un sujet dans la presse quotidienne nationale et dans les hebdos. »

Selon lui, il est évident que les Gilets jaunes radicalisés ont été « conseillés » par l’étranger. « Les structures autoritaires nous regardent en se marrant, ajoute-t-il. Il ne faut pas se tromper. On est d’une naïveté extraordinaire. […] Le boxeur, la vidéo qu’il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d’extrême gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan.

Nous n’avons pas construit, comme beaucoup de nations autoritaires, les anticorps au système. Donc, nous, on est des pitres !

La communication officielle ou celle de tous les mouvements traditionnels, elle est très peu active, très peu relayée. Les gens qui sont surinvestis sur les réseaux sont les deux extrêmes. Et après, ce sont des gens qui achètent des comptes, qui trollent. C’est Russia Today, Spoutnik, etc. Regardez, à partir de décembre, les mouvements sur Internet, ce n’est plus BFM qui est en tête, c’est Russia Today. »

« Hiérarchie des paroles »

« Si on veut rebâtir les choses dans notre société, on doit accepter qu’il y ait une hiérarchie des paroles, reprend-il. Je ne crois pas du tout à l’horizontalité là-dessus. L’horizontalité d’un débat, c’est très bien. Mais il faut se poser la question « D’où tu parles ? Quelle est ta légitimité ? » Celui qui est maire, celui qui est député, celui qui est ministre a une légitimité ou une responsabilité. Le citoyen lambda n’a pas la même. Il ne représente que lui-même. Quand je parle avec les citoyens, je les mets tous à égalité. Mais je n’ai pas reçu ici [à l’Élysée, NDLR] le chef des Gilets jaunes. D’ailleurs, il n’y en a pas. Et quand il y a des Gilets jaunes dans les débats, je ne leur parle pas prioritairement. Je parle aux citoyens, Gilets jaunes ou pas. »

Le président réfléchit donc à un moyen de sécuriser la qualité de l’information face à l’afflux des fake news. Il souhaite rétablir ce qu’il appelle des « tiers de confiance » dans notre démocratie. De ce point de vue, le statut de l’information et le statut des décideurs politiques, très entamés l’un et l’autre, doivent être restaurés, ce qui ne se fera pas en un jour. « Quand vous écoutez les gens, qu’est-ce qu’ils disent ? Ils veulent couper la tête du président. Ils disent que les députés sont tous des salopards. Ils décident que n’importe qui qui décide est illégitime, énumère-t-il. Ils ne veulent même plus que quelqu’un décide en leur sein. Et ils disent que les journalistes mentent. Et ils croient leur boucle mail ou leurs copains sur Facebook dans une espèce de système où chacun représente lui-même. C’est la dissolution d’une démocratie si on les suit. Par des mécanismes que j’ai expliqués, ils arrivent à se diffuser partout. Pour des gens qui sont faibles, ou fragiles, ou en colère, cela a une espèce de résonance. Et donc la question, c’est comment on le déconstruit. Comment on rebâtit des tiers de confiance. Il y a un vrai travail sur ce qu’est la presse, sur ce qu’est la fonction politique, sur ce que sont les syndicats, les partis politiques. Il doit y avoir une capacité à rehiérarchiser les paroles. Ça, c’est fondamental. Parce que, sinon, le complotisme nourrit l’autoritarisme. »

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l y a une autre synthèse ici, avec ce passage croquignolesque :

Comment recrédibiliser les médias et faire la part du vrai et du faux ? s’interroge-t-il. Emmanuel Macron y réfléchit et invite la presse à faire de même. « Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer », dit-il, dans une réflexion à voix haute. Le bien public, ce n’est pas le caméraman de France 3. Le bien public, c’est l’information sur BFM, sur LCI, sur TF1, et partout. Il faut s’assurer qu’elle est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité. Que pour cette part-là, la vérification de l’information, il y ait une forme de subvention publique assumée, avec des garants qui soient des journalistes. Cette rémunération doit être dénuée de tout intérêt. Mais quelque part, cela doit aussi venir de la profession. »

Source : Le Point, Emmanuel Berretta, 31-01-2019

Emmanuel Macron “n’exclut pas” un référendum

Source : Paris Match, Bruno Jeudy, 01/02/2019

En plein grand débat, le président de la République mise sur l’ordre et le «débat permanent» pour sortir de la crise des «gilets jaunes». Ce jeudi midi, il s’est confié à une poignée de journalistes dont Paris Match.

«J’ai beaucoup appris de ces vingt mois. Ça m’a scarifié.» Se redressant sur le canapé de son bureau à l’Elysée, Emmanuel Macron résume d’une phrase son sentiment quand on lui demande comment il vit la crise de confiance qui traverse le pays et vise singulièrement sa personne. En col roulé noir sous un costume gris, le président de la République reçoit cinq journalistes ce jeudi 31 janvier en fin de matinée -avant les nouvelles révélations de Mediapart dans l’affaire Benalla– pour une «discussion informelle» autour d’un café. Preuve au passage que «l’acte 2» de son mandat passe aussi par un changement de relations avec les journalistes que le chef de l’Etat ne recevait pas ou peu jusqu’à présent. Un changement de stratégie de communication. Pendant cent minutes, il a livré son analyse de la crise des gilets jaunes, avoué ses erreurs, ses espoirs sur le débat national, ses craintes sur la montée des violences. Convaincu que le débat va devenir «permanent», il mise sur cette «démocratie délibérative» pour sortir de la crise. Mais il prévient qu’il sera «sans états d’âme» quant au maintien de «l’ordre».

“40 à 50 000 militants ultras”

Si en public, il ne prononce que rarement les mots «gilets jaunes», en privé il en donne cette définition : «C’est un mouvement social et politique sans revendication fixe, sans leader, hors de l’entreprise et qui a subi plusieurs mutations. Je fais bien la différence entre les ronds-points et ceux qui viennent manifester le samedi.» «Les gilets jaunes, c’est la France qui ne vit pas bien de son travail», résume-t-il en évoquant un «mouvement polymorphe». «Si être gilet jaune, ça veut dire qu’on est pour que le travail paie plus et que le Parlement fonctionne mieux alors je suis gilet jaune», sourit-il avouant ne pas croire aux sondages relayant que 50% soutiendraient cette colère. Pourtant, le président positive en jugeant que ce mouvement serait finalement une «bonne chose que ça sorte maintenant». Mais très vite, l’analyse sociologique de cette agrégation des colères laisse la place à une dénonciation plus politique. Car selon le président, les gilets jaunes ont été infiltrés par «40 à 50 000 militants ultras qui veulent la destruction des institutions». Face aux violences orchestrées par les extrêmes, il met en garde contre la «fachospère» et la «gauchosphère» qui ont surinvesti les réseaux sociaux. Car le mouvement a, dit-il, «muté» par les réseaux. Une évolution qui l’amène à faire ce constat : «Il y a une forme de dévitalisation quasi physiologique de la démocratie. On est dans la dissolution des esprits comme dirait Blum.»

La fin des petites phrases

Aurait-il pu empêcher le mouvement de durer s’il avait renoncé plus tôt à la hausse de la taxe carbone pour 2019? Le président reconnaît qu’il a failli annoncer un moratoire le jour de son discours sur la transition écologique. «J’ai hésité. J’ai écouté le gouvernement et la majorité. Cela aurait été vécu comme une reculade. Je ne sais pas si cela aurait empêché le reste», confie-t-il sans émettre de véritables regrets. En revanche, il admet que ses «petites phrases» ont nourri un «procès en humiliation». Il trouve cela injuste car, dit-il, «c’est le système qui les isole». «J’ai toujours été sincère et je n’ai jamais voulu blesser», se défend-il. Y compris avec le collégien du Mont-Valérien qui l’avait appelé «Manu» et qu’il avait fermement remis à sa place. Emmanuel Macron révèle avoir pris de ses nouvelles. «On est resté en contact». «Dans le système où nous vivons, cette franchise n’est plus possible parce que je suis président de la République», se désole-t-il. Il promet de raréfier ces séquences et, peut être, de s’inspirer d’Angela Merkel qui ne va jamais au contact de gens en colère. En attendant, il fait très attention à ce qu’on ne puisse plus déformer sa parole. Il semble avoir compris que les critiques sur la déconnexion et même l’arrogance supposaient une «conversion personnelle» selon son mot.

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Les ministres ne dirigent pas assez leurs administrations

En plein grand débat et alors qu’Emmanuel Macron remonte dans les sondages, il est convaincu d’avoir fait le bon choix. A l’entendre, cette grande «introspection nationale» ne va pas s’arrêter. C’est d’ailleurs son idée et confie qu’elle avait déclenché un grand scepticisme chez ses collaborateurs. Il en tire déjà une première leçon : «La vie des gens n’a pas suffisamment changé» malgré, s’exclame-t-il, le plus grand mouvement de réformes depuis cinquante ans. Le responsable? L’Etat qui n’aurait pas changé. «Il sait gérer les crises mais fonctionnerait trop lentement au quotidien.» Ses ministres ne dirigent pas assez leurs administrations respectives, estime-t-il. Il décerne des bons points, en revanche, à Jean-Michel Blanquer (Education) et Muriel Pénicaud (Travail). Résultat : «Cela ne délivre pas», déplore Emmanuel Macron qui refuse le procès des hauts fonctionnaires, nuance-t-il en se tournant vers son secrétaire général Alexis Kohler, assis à sa droite. «Le gouvernement ne met pas suffisamment de force et de pression sur le sujet». «Le pays doit savoir qu’il est commandé», prévient le président qui reconnaît que sa fonction a changé. Elle ne peut plus, ajoute-t-il, s’exercer «dans l’isolement ou dans le gaspillage de la parole».

“Commentaires permanents” vs “débat permanent”

En plein de débat national, Emmanuel Macron qui ira en banlieue lundi puis en fin de semaine prochaine dialoguer avec des jeunes, réfléchit à la sortie. Une sortie qui passe par la «redéfinition d’un projet national et européen». Dans son esprit, les réponses économiques et sociales ont été apportées le 10 décembre et se verront sur les fiches de paie d’ici mars. «Le travail va payer», martèle-t-il. Son interrogation, c’est comment traduire les aspirations des Français en un «nouveau souffle». Encore floues, ses solutions tournent autour du besoin de relais locaux comme les maires et les départements, grands gagnants de la séquence. Le président estime que les «intercommunalités forcées» passent mal et que les grandes régions (nées de la loi NOTre) ont fait naître une forme de «néoféodalité». «Il faudra rebâtir des formes locales de délibérations», confie-t-il sans plus de précision.

Dans ce monde qui bouscule les identités nationales, malmène les frontières, et inquiète les classes moyennes en priorité, Emmanuel Macron considère que les gilets jaunes veulent d’abord «reprendre le contrôle». «Il y a un besoin de commandement». Peut-être même d’une «nouvelle République», lâche-t-il sans en dire de plus. Mais on le sent prêt à bousculer bien des tabous.

Dans sa tête, l’organisation de la démocratie sera au cœur de la sortie du grand débat. Envisage-t-il un référendum? «Je ne l’exclus pas. Ça fait partie des sujets sur la table.» Il croit moins à un «Grenelle» (ou on ne décide rien), ni à un changement de gouvernement, encore moins à une dissolution. Sa décision n’est pas prise. Il est convaincu, en revanche, «qu’on est rentré dans une société du débat permanent». Grand consommateur de chaînes infos, il ironise : «Jojo avec un gilet jaune a le même statut qu’un ministre ou un député!» S’il en veut donc aux chaines infos, il juge paradoxalement que la réponse aux «commentaires permanents, c’est peut-être le débat permanent».

Le bilan européen “lamentable” de Le Pen

Dans cette sortie qui se prépare, il assure que tout va bien avec son Premier ministre Edouard Philippe. «Il fait la même lecture des institutions que moi», dit-il balayant le différend sur les 80 km/h mais reconnaissant un style et des approches différentes. Mais il se reprend et insiste : «Le Premier ministre n’a pas vocation à être un fusible».

Dans ce moment «d’introspection», il ne perd pas de vue l’échéance européenne. Il prépare un grand discours pour la mi-février. Il conseille à La République en marche «de ne pas faire trop de tactique». Mais la «liste centrale» comme il la baptise sera «la plus claire» sur ses convictions que celle du Rassemblement national dont on ne voit plus la position sur l’euro. Il met déjà la pression sur les sortants. Au niveau national, il cible la liste de Marine Le Pen dont il juge le bilan «lamentable». Au niveau européen, il pointe le PPE c’est-à-dire Les Républicains qui sont avec Merkel et… Orban. En campagne pour reconquérir les Français, Emmanuel Macron entend ne pas lâcher un centimètre sur ses convictions européennes. Une Europe que du reste les gilets jaunes ne brocardent pas dans leurs manifestations hebdomadaires préférant concentrer leurs tirs sur Emmanuel Macron.

Plutôt remonté sur son cheval, le chef de l’Etat assure qu’il n’a pas été choqué par la «brutalité» le visant depuis plus de deux mois et notamment en décembre. Il sait qu’il est sur la corde raide. Et a compris qu’il ne pourrait plus gouverner comme pendant les vingt premiers mois. Le changement le plus important c’est peut être celui-là. Les têtes vont changer autour de lui. L’acte 2 du quinquennat a vraiment commencé.

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Macron : Les autres c’est l’enfer

Source : Vu du droit, Mathieu Morel, 01-02-2019

Ce type est décidément merveilleux !

Deux comptes rendus, sur Paris-Match et Le Point, de l’audience que Son Auguste Jupitude a daigné concéder à une poignée de journalistes révèlent un paranoïaque complètement en roue libre, un complotiste sans filtre voyant des Russes cachés à peu près partout, incapable de s’interroger réellement sur quoi que ce soit, de relier causes et effets autrement que selon des postulats éculés, incapable de l’ombre d’une analyse de la situation, juste mû par sa seule obsession de mouler la réalité dans ses présupposés faillis et puérils.

« C’est de la faute des autres ».

Voilà peut-être l’élément essentiel, le fil conducteur, la colonne vertébrale. Les ennemis sont partout : intérieurs et extérieurs. La russosphère, la gauchosphère, la fachosphère, la complosphère, toutes les chososphères imaginables, emplies de gens aux passions tristes, aux pulsions factieuses et aux relents nauséabonds, complotent contre lui et instrumentalisent les esprits faibles de ces braves bons Français à qui il veut pourtant tant de bien. Et lorsque ça n’est pas « la faute de » l’une ou l’autre sphère, c’est alors la faute de la presse, veule, suiviste, démissionnaire, qui ne remplit plus sa mission d’éducation des masses trop rustiques pour distinguer par elles-mêmes le Bien (lui) du Mal (les autres). Une presse à la roue des réseaux sociaux – dont on ne dira jamais assez combien ils sont manipulés par les Russes et autres sphères – voire carrément des medias de propagande russes eux-mêmes. Bref, une presse devenue incapable de montrer aux gueux la voie juste, la bonne : la jovienne.

Peut-être repense-t-il avec nostalgie à ce temps béni où la presse, alors intègre et incorruptible, se répandait en couvertures et enquêtes dithyrambiques sur le nouveau petit prodige qu’il était, sur ses prouesses, sur son génie, sur ses amours rocambolesques et l’intimité sucrée de son couple féérique ?

Deux longs articles, donc, pour dérouler la pensée du Maître parsemée de quelques poncifs ronflants (on y apprend que « ce mouvement est polymorphe » : allons bon, mais où va-t-il chercher tout ça ?), d’aphorismes managériaux ou philosophico-cuculs (de la très impressionnante « dévitalisation quasi-physiologique de la démocratie » à la très approximative « dissolution des esprits comme dirait Blum », petite référence historique afin de cocher l’indispensable case « historien penseur », fût-ce au prix d’arrangements pour le moins audacieux avec le contexte historique), d’affirmations gratuites et de statistiques aussi magiques que branquignoles.

Ah mais, nous dit-on, il reconnaît aussi ses erreurs !

Ouf ! Un instant, on avait craint. Alors oui, il « regrette ». Il en est même, avoue-t-il, « scarifié ». Rien de moins ! Il regrette ces petites phrases qui ont fait du mal, à son insu. Il regrette et fera désormais « très attention ». Il regrette de n’avoir pas mesuré combien sa fonction le rendait vulnérable. Parce que si elles ont fait du mal, ces petites phrases, c’est qu’elles sont « mal interprétées ». Nous y revoilà : mal interprétées… par « les autres », bien entendu. Les « autres », ces indécrottables salauds ! Il regrette également sa spontanéité, cette sincérité excessive – c’est un classique : « quel est votre plus grand défaut ? La bonté, l’honnêteté et le courage » – qui lui fait prononcer ingénument des « vérités » qu’ensuite, des sphères malintentionnées sortent de leur contexte et mettent en exergue dans le seul but de lui nuire et, partant, nuire à la France entière. Allez, vous vous en doutez certainement : « célézautres ! ».

Il regrette, il est sincèrement contrit de la malveillance des « autres ».

Ces mêmes « autres » qui, n’en doutons pas, ne manqueront pas de le brocarder pour s’être, au cours de ce même entretien (où il promet, donc, de faire désormais très attention), sincèrement payé la tête de « Jojo avec son gilet jaune » ou encore de ce « boxeur gitan », forcément manipulé (par l’extrême gauche ou par les Russes, je ne sais plus, de toute façon ce sont les mêmes) puisqu’il « n’a pas les mots d’un Gitan ». Jupiter voudra-t-il nous éclaire : c’est censé parler quel sabir, au juste, un Gitan ? Et boxeur, de surcroît ?
Salauds d’« autres », vous dis-je !

Convenons tout de même que dans des conditions pareilles, ce doit être bien difficile, en effet, de présider un pays peuplé de hordes d’« autres » qui ne comprennent rien à nous.

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