Abolir les armes nucléaires est une urgence

par Jean-Marie Matagne et Jean-Michel Clément
Publié le 13 juillet 2019

D’un tweet, Donald Trump nous apprend, le 20 juin 2019, qu’il a ordonné le bombardement de trois sites iraniens, puis l’a annulé dix minutes avant que les avions, déjà en vol, n’atteignent leurs cibles et ne fassent, selon l’estimation d’un général US, 150 morts. Sans ce revirement de dernière minute, que se serait-il passé ? Un nouvel embrasement du Moyen-Orient ? Et quoi ensuite ?

Cette situation n’est plus tolérable. Il n’y a aucune raison pour que ces armes soient interdites à certains et autorisées à d’autres. Le seul moyen d’éviter leur prolifération, c’est de les éliminer toutes.

Selon leurs partisans, elles auraient « préservé la paix par la dissuasion ». Pourtant, depuis 1945, elles n’ont pas empêché quantité de guerres, guérillas, massacres organisés, attentats -dont le 11 septembre 2001, au coeur de la première puissance atomique – de faire au total plus de morts que la première guerre mondiale.

Négocier la fin des armes

L’arme nucléaire est elle-même un facteur de guerre. C’est principalement pour financer son acquisition que Saddam Hussein a envahi le Koweït en 1990, provoquant ainsi la “guerre du Golfe” ; cette même volonté lui fut encore prêtée en 2003 pour justifier la deuxième “guerre du Golfe”, dont les effets catastrophiques se font toujours sentir. C’est la recherche de “l’équilibre de la terreur” qui poussa Khrouchtchev à installer clandestinement des missiles nucléaires à Cuba et conduisit l’humanité “au bord du gouffre” en octobre 1962. C’est une erreur du système d’alerte soviétique qui faillit en faire autant dans la nuit du 26 septembre 1983. Sans la décision du lieutenant-colonel Petrov de la traiter en fausse alerte, nous ne serions sans doute plus là pour en parler. La guerre nucléaire “par accident” a failli se produire plusieurs fois.

Mais surtout : les armes nucléaires pourrissent littéralement les relations internationales. Armes d’extermination des peuples, elles menacent l’existence même de l’Autre. Alors que la survie de l’humanité exigerait de tous les Etats qu’ils coopèrent, comment coopérer “en confiance” avec quelqu’un qui menace de vous anéantir à tout moment ?

Y renoncer, ce serait changer d’ère. En décembre 1987, M. Gorbatchev et R. Reagan signaient à Washington le traité d’élimination des Forces Nucléaires Intermédiaires. L’air du temps en était changé. “L’empire du mal” soviétique était devenu aux yeux de Reagan un partenaire fiable et pacifique. Et deux ans plus tard, Gorbatchev refusant de reproduire les interventions soviétiques de Berlin (1953), Budapest (1956) et Prague (1968), le mur de Berlin tombait sans un seul coup de feu et le partage de l’Europe en deux blocs ennemis cessait. Fin de la Guerre froide. Conséquences : détente internationale et chute des dépenses militaires mondiales, à environ 1000 milliards de dollars par an au milieu de la décennie 90… Reparties ensuite, elles ont atteint un record en 2018 : 1822 milliards (source : SIPRI).

Mais comment faire disparaître les armes nucléaires ? C’est simple : en négociant leur abolition.

Les cinq Etats dotés d’armes nucléaires signataires du Traité de Non-Prolifération (TNP) -dont la France depuis 1992- y sont tenus par son article 6. Mais depuis son entrée en vigueur en 1970, ils se sont bornés à… établir un glossaire.

Ne leur demandons pas de désarmer chacun de son côté, ils s’y refuseront. Si la Russie et la Chine ne l’ont pas dit, la France, les Etats-Unis et le Royaume Uni l’ont déjà fait savoir. Mais demandons-leur de tenir parole : de négocier entre eux, et bien sûr avec les quatre autres Etats nucléaires hors TNP (Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord), un désarmement multilatéral, intégral, universel et strictement contrôlé. Et de négocier avec les Etats non dotés l’interdiction totale et définitive de ces armes de crime contre l’Humanité – ce qui implique notamment la suppression de l’article 17 du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN), qui autorise ses Parties à en sortir.

La France, “pays des droits de l’Homme”, doit provoquer ces négociations. C’est en tout cas ce que réclament 85 % des Français d’après un sondage IFOP de mai 2018. Et c’est la proposition que plus de 30 parlementaires d’une dizaine de groupes politiques différents font depuis janvier 2019, dans une loi qu’ils invitent leurs collègues à signer pour en faire l’objet d’un Référendum d’Initiative Partagée.(*)

Nous appelons tous les parlementaires et tous les citoyens à soutenir cette Proposition de Loi référendaire. Elle permettra au peuple français d’ouvrir la voie à un monde sans armes nucléaires et radioactives. On ne peut vivre indéfiniment sur une poudrière.

Jean-Marie Matagne, Action des citoyens pour le désarmement nucléaire (ACDN).

Jean-Michel Clément, Député de la Vienne

Députés et sénateurs signataires de la Proposition de Loi Référendaire au 1er juillet 2019

Jean-Félix Acquaviva, Esther Benbassa, Eric Bocquet, Moetai Brotherson, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, André Chassaigne, Jean-Michel Clément, Laurence Cohen, Yves Daniel, Pierre Dharréville, Olivier Falorni, Michelle Gréaume, Nadine Grelet-Certenais, Sébastien Jumel, Claudine Kauffmann, Jacques Krabal, Joël Labbé, Bernard Lalande, François Michel Lambert, Jérôme Lambert, Jean-Paul Lecoq, Paul Molac, Jean-Philippe Nilor, Pierre Ouzoulias, Bertrand Pancher, Hervé Pellois, Christine Pirès Beaune, Loïc Prud’homme, Christine Prunaud, Sabine Rubin, Fabien Roussel, Maina Sage

La Proposition de Loi
Article 1

« La France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des Etats concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace. »

Article 2

« L’article 1 ci-dessus est soumis à l’approbation des Français par référendum, en application de l’article 11, alinéa 3, de la Constitution. »

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