Onde de choc en Italie après la condamnation d’un ancien maire à 13 ans de prison pour incitation à l’immigration clandestine

Par Leslie Carretero
Oct. 10,

La condamnation, jeudi, de l’ancien maire de Riace en Calabre (sud de l’Italie), Domenico Lucano, à plus de 13 ans de prison pour incitation à l’immigration clandestine a provoqué une onde de choc en Italie. L’ancien édile est une figure emblématique de l’accueil et de l’intégration des migrants en Italie. Une politique qui lui avait valu d’être nommé troisième “meilleur maire au monde” en 2010, et parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde dans le classement du magazine Fortune.

C’est une sentence lourde, généralement réservée aux membres de la mafia sicilienne ou aux grands criminels. L’ancien maire de Riace en Calabre, région du sud de l’Italie, a été condamné jeudi 30 septembre à plus de 13 ans de prison pour incitation à l’immigration clandestine et pour des irrégularités dans la gestion des demandeurs d’asile.

“Je n’ai pas de mots, je ne m’y attendais pas”, a déclaré Domenico Lucano à l’annonce du verdict. “J’ai passé ma vie à défendre des idéaux, à me battre contre les mafias. Je me suis toujours mis du côté des déshérités, des réfugiés qui ont débarqué. J’ai imaginé que je pouvais contribuer à la rédemption de ma terre. Je dois prendre acte que c’est fini.”

Troisième “meilleur maire au monde”

L’ancien maire de 63 ans, connu localement sous le nom de “Mimmo”, était accusé notamment d’avoir organisé des mariages de convenance pour aider des femmes déboutées du droit d’asile à rester en Italie. Il lui était aussi reproché de s’être passé d’appels d’offres pour attribuer la gestion des ordures de son village de 1 800 habitants à des coopératives liées aux migrants.

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Il avait été arrêté à l’automne 2018 et placé en résidence surveillée.

Élu maire de Riace en 2004, Domenico Lucano accueillait des migrants dans son village dépeuplé afin de relancer le développement et les emplois. Il y développe la formation professionnelle des réfugiés, et relance les traditions artisanales locales, laissées à l’abandon faute de main-d’œuvre. Des ateliers-boutiques de céramiques, de broderie et de tissage, où se mêlent salariés italiens et réfugiés, voient le jour, et des postes se créent dans l’agriculture et les services d’entretien.

Une politique d’accueil qui le hisse en 2016 parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde dans le classement du magazine Fortune. En 2010, il avait déjà été distingué comme troisième “meilleur maire au monde”.

Une peine “énorme et disproportionnée”

Sa condamnation a provoqué une onde de choc en Italie, et chez les défenseurs des migrants. La sentence est presque le double des sept ans et 11 mois demandés par les procureurs.

Pour le secrétaire du PD (Parti démocratique, centre gauche), Enrico Letta, “cette condamnation est terrible car elle va renforcer la défiance envers la justice de notre pays”.

L’eurodéputé italien Pietro Bartolo, ancien “médecin des migrants” sur son île de Lampedusa, a quant à lui jugé jeudi “énorme et disproportionnée” la peine infligée à Domenico Lucano. “[J’apporte] à Mimmo tout mon soutien, en attendant qu’un [autre] jugement annule cet opprobre et lui rend la ‘vraie justice'”, a-t-il déclaré sur son compte Twitter

L’ancienne maire de Lampedusa a tenu elle aussi à apporter son soutien à Domenico Lucano. “Mimmo a montré qu’un accueil différent est possible, contrecarrant le dépeuplement de Riace. (…) Pour moi Mimmo Lucano, c’est un homme juste, un constructeur de paix et d’humanité”.

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L’ancienne capitaine du navire Sea Watch Carola Rackete, également poursuivie en Italie pour être entrée de force en 2019 au port de Lampedusa afin d’y débarquer des migrants secourus au large de la Libye, a de son côté dénoncé un “énorme scandale”

Oscar Camps, le fondateur de l’ONG d’aide aux migrants en mer Open Arms, a pour sa part estimé qu’une “injustice a été commise”. “Si vous vous battez pour une société meilleure, ils vous condamnent à 13 ans, si vous sauvez des milliers de personnes en mer, ils bloquent votre navire. Nous devons remettre les droits et la vie au centre et recommencer à construire des sociétés fondées sur le droit”, a écrit le militant sur Twitter.

Les avocats de Domenico Lucano ont annoncé qu’ils feront appel du jugement de leur client. Ce dernier restera assigné à résidence le temps du recours.

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