La “réforme” environnementale en Grèce | F. Bendali, J. Ganoulis

Une loi dite de modernisation de la législation sur l’environnement a été votée le 5 mai dernier en Grèce, et elle a soulevé contre elle une centaine d’organisations environnementales.

Il faut, tout d’abord, signaler que le moment et la manière choisis font partie des raisons pour lesquelles ces organisations sont vent debout: le texte de 272 pages n’a tenu aucun compte des 1579 commentaires négatifs pendant la consultation publique (où il manquait la moitié des artices) et sa délibération au parlement n’a eu que 8 jours. C’est bien sûr le moment où la pandémie du coronavirus restreint  fortement le fonctionnement de l’assemblée nationale et les capacités de mobilisation des citoyens. M. le Ministre aurait-il lu « La stratégie du choc » de Naomi Klein?

Le contenu de la loi concerne, entre autres, deux axes importants de changement:  les procédures d’évaluation des impacts des activités sur l’environnement et le niveau de protection des zones  Natura 2000.

L’évaluation des études d’impact ne passera plus par le gouvernement. Elle se fera par un bureau d’étude inscrit sur une liste, différent de celui qui a fait l’étude elle-même, le tout payé par  l’entrepreneur (qui paye déjà les études d’impact depuis longtemps). On voit là la continuité du processus d’externalisation des actes publics. Bien entendu, l’évaluation de l’étude sera quand même déposée  au ministère concerné pour approbation. Il devrait, en tout cas, y rester quelqu’un qui sache lire une étude d’impact. Celle-ci devrait être consultable par le public, comme cela c’est passé jusqu’à présent sauf si une loi, transposant la directive européenne sur le secret des affaires, l’en empêche.

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La protection des zones Natura 2000 est déjà à un niveau faible sauf lorsque la zone Natura correspond à un parc national, voire régional, auquel cas sa protection est assurée par une loi difficilement contournable. C’est d’ailleurs le cas aussi en France, où Natura 2000 ne veut pas dire non plus grand chose (l’implication d’un nombre maximum de corps et d’organisations font des zones un machin difficile à gérer). Avec la nouvelle loi, le plan communal d’occupation des sols primerait sur la qualification Natura 2000. Autrement dit, si une route passe dans une zone Natura, ou si un champ de betteraves pas du tout bio y sont et qu’ils sont dans le plan, leur usage prime sur la protection de la nature. Pour relativiser la gravité de cela, il faut signaler qu’ un tiers du territoire grec à peu près, est en zone Natura, ce qui tend à banaliser la situation citée plus haut. Des zones de protection graduelles (protection totale, zones d’interdictions spécifiées, zones d’éco-développement etc.) sont prévues par la loi concernant les sites Natura, à l’instar des parcs, mais c’est la délimitation de ces zones qui pose problème. On peut supposer que ceux qui décideront de cette délimitation auront les « businessmen » penchés sur leurs épaules. En tout cas il ne faudra plus compter sur les offices de gestion des sites, ils sont en train d’être abolis.

Le monde des affaires, qui est aux gouvernes dans l’Union Européenne au moins depuis Thatcher, et qui est donc responsable de la situation environnementale actuelle, juge que la nature n’est pas assez détruite. Ce monde est donc pour le moins climatosceptique et indifférent à la perte de la biodiversité, pourtant indispensable au bon fonctionnement des écosystèmes, y compris quand ces écosystèmes sont primordiaux pour l’alimentation et la santé publiques.

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La meilleure chance d’arrêter la dégradation de l’environnement dans un contexte encore un peu démocratique est la possibilité donnée aux populations locales d’avoir leur mot à dire dans la gestion de leur propre environnement.

Frédéric Bendali, Ingénieur d’étude en environnement
et Jacques Ganoulis, Docteur d’Etat en Hydraulique

Confédération Internationale Solidaire et Ecologiste

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