Je n’aime pas les vieux

Par  Patrice Perron
19 Octobre 2018

Cela pourrait être le titre d’une chanson déjantée, mais la réalité est moins drôle et plus réaliste. Il s’agit de la mise en œuvre de la politique de Jupiter à l’encontre des retraités. Jugés beaucoup trop nombreux, ils semblent mettre en péril le budget du pays et on leur fait porter la plus grande part du chapeau de la dette. Pour ceux qui étaient déjà là à l’après-guerre, les gouvernements de l’époque avaient félicité les parents ayant donné naissance à plein d’enfants. Le baby boom était encensé, il allait permettre à la France de se relever.

Soixante-dix ans plus tard, le son de cloches (sans jeu de mots) n’est plus le même. Le pouvoir répète à qui veut bien le croire que les retraités ont plein d’argent, qu’ils sont trop nombreux, qu’ils coûtent cher à la Sécu et que souvent ils roulent en diesel ! Comment faire pour s’en débarrasser. Il y aurait bien le glyphosate dans le café, mais ce serait trop visible. Alors dans le Ricard ? Pourquoi pas, c’est la même couleur quand ça fait effet. Mais le gouvernement se prétend écolo même s’il soutient l’emploi de ce produit toxique (n’est-ce pas Stéphane Travert !) Alors, pour d’abord saigner les vieux, avant de les tuer discrètement, Jupiter et ses satellites ont trouvé le truc : les tuer à petit feu en les frappant méchamment au portefeuille en répétant l’opération autant que nécessaire.

Premièrement, on les culpabilise. On fait circuler des infos dans les médias affirmant comme l’a dit un très intelligent député macronien : « les vieux ont plus de patrimoine que les jeunes actifs ». Je suis tenté de lui répondre : écoute mon garçon, encore heureux que ce soit le cas. Car si toi, un blanc-bec de 30 ans, tu avais plus de patrimoine que les vieux, c’est que tu serais né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Ce n’est pas encore ton travail qui t’a enrichi. Mais le mal est fait.

Deuxièmement, on monte les jeunes actifs contre eux Payés au lance-pierres et sous contrats précaires et courts, les jeunes peinent à s’installer dans la vie. En fait, Jupiter tente de monter les jeunes contre les vieux. Cela n’a pas vraiment marché car les jeunes parents qui travaillent ont besoin de leurs parents devenus certes vieux, mais aussi et surtout grands-parents. Ce sont eux qui vont se substituer à la crèche qui n’existe pas dans leur quartier, la petite commune rurale sans moyens ou qui est déjà complète depuis un an.

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Troisièmement, on attaque frontalement leurs revenus. L’augmentation de la CSG, certes touche tout le monde, mais le taux majoré spécial retraités, est un coup de poignard dans le dos du contrat social et dans celui de l’histoire. On a aimé le baby-boom, on hait le papy-boom. La République En Marche veut faire place nette. Et ce taux spécifique n’est pas anodin : le montant mensuel porte un vrai coup et un vrai coût au niveau de vie. C’est pourtant la masse des vieux qui fait tourner une bonne part de l’économie : tourisme hors saison et hors grands sites, soutien aux familles pour les vacances et la garde des petits-enfants. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet de l’aide apportée par les vieux au bénéfice des jeunes et de la société en général (soutien scolaire, bénévolat, vie associative). Cette attaque frontale s’apparente à un envoi d’exocets avec la volonté de faire mal.

Quatrièmement, sous l’alibi de l’écologie, on attaque leur autonomie. Les retraités utilisant une voiture, sont encore assez nombreux. Et c’est souvent un diesel, car leur vie s’est déroulée au rythme du développement du diesel, en l’occurrence, un type de motorisation dont les marques de l’hexagone se sont faites une spécialité en améliorant sans cesse leur savoir-faire au fil des décennies. Cette attaque est d’autant plus sournoise que l’objectif visé n’est pas le moteur, mais l’autonomie des vieux. Je m’explique : un vieux sans voiture, c’est un vieux dépendant. Nous voyons tout de suite les images de ce scenario, avec : le portage de repas, les enfants qui passent voir s’il n’y a pas de problème, les conduire ici et là, pour les courses ou les rendez-vous. Et chacun sait, sans être ni médecin ni tierce-personne, qu’un vieux dépendant est un vieux presque mort. CQFD. Personne ne peut nier la pollution dont étaient responsables les anciens moteurs diesel. Ce qui n’est plus tout aussi vrai aujourd’hui puisque les moteurs actuels rejettent moins de CO2 que les moteurs à essence. Par contre, pour les particules fines, il y a problème, surtout pour les camions et les cargos. Mais là, Jupiter ne bronche pas. (Sans jeu de mots). De plus, la société Bosch vient de créer une pièce de filtration à ajouter aux nouveaux véhicules, sans surcoût. Ce qui met à mal la politique anti diesel qui se traduit à chaque fois par des mesures punitives et donc des taxes supplémentaires limitant le pouvoir d’achat et l’autonomie des vieux, et notamment les ruraux que Jupiter n’aime pas non plus.

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Cinquièmement, on désindexe les retraites, de l’inflation : C’est le coup le plus dur, pire que l’augmentation de la CSG, car cela coûte vraiment cher aux retraités et démontre bien l’intention de nuire aux vieux. C’est de la récidive intentionnelle. Au nom de la solidarité et de l’efficacité économique, Le gouvernement central a décidé que les retraites ne seront plus indexées sur l’inflation, maintenant que celle-ci repart à la hausse. C’est une méthode lâche qui ne dit pas son nom, puisque ce n’est pas une diminution en chiffres absolus, mais juste un blocage qui accroit le décalage avec le coût réel de la vie quotidienne. Toutefois, suite au mécontentement général des intéressés, le groupe parlementaire LRM annonce une proposition pour que les retraites inférieures à 1200 € bénéficient d’un taux supérieur à 0,3%, puis le gouvernement vient de proposer une compensation fiscale pour 150 000 foyers fiscaux très modestes, soient 300 000 personnes, juste pour tenter de calmer le jeu. Mais n’oublions pas qu’il y a 16 millions de retraités et que cette mesure n’est que de la poudre aux yeux.

Sixièmement, on ne réindexe pas le taux d’intérêts des livrets d’épargne sur le taux d’inflation en train d’augmenter assez fortement. Culturellement, les retraités d’aujourd’hui ont tous eu un livret d’épargne. Nos parents ou grands-parents, nous « ouvraient » un livret d’épargne dont nous ne pourrions toucher le contenu qu’à nos 18 ans. Et tous les retraités, notamment les plus modestes possèdent toujours ce type de livret de base. Donc en martyrisant ces livrets, d’épargne libre et mobile, il est clair que Jupiter (et ses prédécesseurs) veulent assécher les vieux. Aujourd’hui les jeunes sont plus tournés vers les placements évolutifs suivant des profils personnels (pépères, dynamiques et autres) induisant plus ou moins de risques en fonction du rendement espéré. Et les banques qui soutenaient la baisse du taux d’intérêt du livret A quand l’inflation baissait, font le dos rond aujourd’hui, car ce sont elles qui profitent des placements sur ce type de support. CQFD.

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Aujourd’hui, force est de constater que le pouvoir n’aime pas les vieux. La grogne de cette catégorie sociale s’ajoute à d’autres revendications, et commence à inquiéter Jupiter. Car les élections européennes approchent et les vieux, à défaut de descendre en nombre dans la rue, pourraient donner leurs voix à d’autres partis et infliger un premier vrai revers électoral au pouvoir en place, puisque les résultats des élections sénatoriales ne sont pas très visibles du grand public. Car n’oublions pas que Jupiter n’aime ni les vieux, ni les ruraux, ni les utilisateurs de véhicules diesel. L’individu qui cumule ces trois handicaps n’a plus grand-chose à espérer de ce régime sec. (sans jeu de mots). Et mon malheur à moi, est de faire partie de cette catégorie de cumulards du handicap ! Je ne suis pas encore mort, mais déjà bien saigné !

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